AU RISQUE DE LA LUMIÈRE

de Michel Diaz et Léon Bralda, 2023,

avec la reproduction d'une huile sur toile de Silvaine Arabo.

©️ Editions Alcyone.


Michel DIAZ, né de l’autre côté de la Méditerranée, vit à Tours où il a enseigné la littérature et l’art dramatique. Attiré très tôt par la poésie, il a surtout d’abord écrit pour le théâtre - une douzaine de pièces dont quelques-unes ont été représentées ou diffusées à la radio (France-Culture, R.T.B.F.). Il est aussi l’auteur, chez différents éditeurs, de plusieurs recueils de nouvelles et d’une dizaine d’ouvrages de poésie. Il a également publié une douzaine de livres d’art (poèmes et proses poétiques) en collaboration avec des artistes, peintres ou photographes, et travaillé à de nombreux livres d’artistes.


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Poète et plasticien, Léon Bralda (alias Lionel Balard) vit et travaille à Clermont-Ferrand. Né en 1963 à Béziers, il est diplômé de l'École Supérieure d'Art de Clermont Métropole. Agrégé et Docteur en Science de l’art et esthétique, il enseigne à l’INSPE d’Auvergne. Léon Bralda fonde les Éditions de l’Entour et les Cahiers des Passerelles, livrets associant poètes et plasticiens. Il est l’auteur d’une vingtaine de titres parus notamment aux éditions Henry, Alcyone, Donner à voir, Encres Vives, le Petit Pois… Il est également membre actif du collectif de graveurs du Chant de l’Encre et participe au conseil de rédaction de la revue de poésie ARPA.


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    Au risque de la lumière est le fruit de la collaboration entre les poètes Michel Diaz et Léon Bralda. Dans cet effervescent échange de poèmes s’est offert pas à pas le chemin du recueil, vers un horizon d’inconnu où chacun des auteurs, avançant de concert avec l’autre, creusait pourtant, dans l’amitié de cet échange, son propre sillon d’écriture.
    Ainsi, de page en page, se noue un étroit dialogue et se trame une réflexion où s’inscrit un questionnement opiniâtre et fervent sur notre relation au monde, aux êtres et aux choses. En effet, cheminer sur la terre des hommes, par ses jours d’inquiétude, de boue et de sang, est épreuve de chaque instant dans laquelle il faut s’efforcer, «au risque de la lumière», de cultiver de notre humanité ce qu’elle peut offrir encore d’espérance et peut-être de cette joie qui reste à inventer.






      TEXTES


      (Dialogue en terre de poésie entre Michel DIAZ et Léon BRALDA)


      il va, derrière son visage où les pluies ont tracé les ridules de nos nécessaires incertitudes

      il avance, derrière ses pas qui mesurent le lit d’un fleuve où la plupart ne voient que les fragments épars d’un alphabet occulte, clos sur son opiniâtreté à creuser sa parole – qui pourtant calcine sans cesse ce que l’on dit du monde

      les vertèbres à nu, il invoque ce fond d’eaux mortes qu’a bu le sommeil des pierrailles, lapide leur stagnance et travaille au sursaut des orages, à la révélation que guettent leurs lumières

      le ciel est au-dessus une échappée confuse d’ailes en perpétuelle quête d’oiseaux

      des ailes qui appellent au plain-chant de leurs cris, qui cherchent à nous dire: «Que le risque soit ta clarté» (René Char).


      **


      Il va, figure d’ange, dans cet ailleurs qui lève. Il va plus loin encore, comme chair accomplie dans la fugace nuit.

      Homme penché sous le poids de l’énigme, il va. Entame un long voyage, porte les heures à prédire aux lèvres du destin. Homme œuvrant sous les lentes lumières du cœur, prenant mesure du ciel immense rêvant tout au-dessus, parlant au vent qui lèche l’herbe neuve quand son pas, lentement, s’efforce de durer.

      Homme du seuil, et de la terre ouverte, il passe assurément! Il passe dans les sillons obscurs du monde, feint de croire ce que soleil exhausse, ce que clameur exhume… Passe et doute du peu de certitude qui cogne sous ses yeux.

      Il parle, d’une voix libre d’aller dans l’aube de ses mots et d’écrire un secret aux pages du chemin.


      **


      il va, portant ce feu nocturne au destin de fumée, dérobant un soupçon de clarté à chaque aube qu'il passe et l'offrant sans compter aux oiseaux des hasards

      tant pis si ses pieds cognent sur la pierre, si baillent ses chaussures, seules valent les rares extases que paie, pour prix de l'être-au-monde, une verticalité difficile à prouver

      il a, au bout des doigts, ces parcelles d'aurore par quoi tout recommence et par quoi tout s'éteint dans les jours indigents, ce qui fait de la mort un prétexte à renaître pour un perpétuel étonnement

      il est possible que devienne une force l'aveu de sa faiblesse, que s'épuise son sang dans l'aubier de ses doutes, possible encore que sa fièvre d'innocence délivre un ferment de beauté, que se perde sa voix entre abîme et lumière, entre le "non" d'une défaite et le "oui" d'un espoir

      il va, sur ce chemin balayé de cendres nomades, suivant par la pensée quelque flammèche folle, dérouté souvent de lui-même comme quelqu'un, sous le soleil des jours, trébuche sur l'énigme de cette ombre qui le précède


      **


      C’est un chemin de croix, de pierres épigées, de clous jetés à la gueule d’un monde qui ne se souvient pas. Voici qu’il va plus loin, près des feux morts et des saisons anciennes, qu’il laisse aller son chant dans la ferveur étale des genêts et des ronces, en cet endroit où l’âge sue d’un reste d’existence.

      Voici qu’il passe encore, maillant au poids de sa jeunesse la ridée du silence. On l’entend marmonner un fragile matin, bafouiller quelques peurs et quelques souvenirs aux lampes du rivage, ânonner d’anciens noms que la pierre a creusés.

      C’est un ange dans le matin donné! Il marche sur l’herbe tendre de la mélancolie, arpente l’heure bâtie de gorges sèches, de bouches anémiées… Et pourtant parle encore. Parle d’une voix d’ange: fragile flux de lèvres qui lève aux feux du jour.

      Étrange est cet écho qui fleure à la lumière, quand l’horizon accueille le fruit de son murmure. Il charrie l’ombre, jusqu’à ses pas, venue.

      Mais c’est d’espoir et de bonheur que brûle le demain.


      **


      il voudrait parler d’une voix qui découse encore du temps, lentement, ce qui ombre son âme ou lui pèse

      œuvrer à ce qu’elle devienne enfin une chose légère, ombelle ou feuille qui s’incline sous la lèvre de l’air, présence au monde à peine perceptible en sa presque existence, comme le sont les mots de l’ange à l’oreille de qui consent à lui offrir ses larmes

      il parlerait, et ce serait comme jeter un pont, quelques secondes à peine, entre deux solitudes, rendre aux roses leur vérité, rendre plus évidentes les traces du fugace, rendre leur sens aux impasses de la durée

      pour sauver un instant la mémoire du naufrage lointain de l’enfance, et de l’erreur ceux qui l’oublient, ou qui ne savent plus qu’en notre scène originelle, la Terre séparée du Ciel dans les eaux matricielles, souvenir aphasique de la prime blessure, se rejoue chaque fois pour chacun toute la genèse des mondes

      les mots de sa parole, il le voudrait, ce seraient ces cailloux de rien, mais qui gonflent ses poches, semés sur les chemins de ses intimes déambulations, quelque chose effleurant le blanc (au bord de quel abîme?), comme l’on avance en aveugle dans l’amitié des herbes et des arbres, dans le pur silence d’un livre dont les pages jamais écrites ont gardé le secret


      **


      Et ce serait comme jeter un pont… Il parlerait d’une voix de rivage apparu.

      Et ce serait miracle d’y trouver, pour le jeu, la rivière charriant l’âme d’un vieux pirate, sabrant l’or des fontaines et l’opaque des cieux, le reflet soupçonneux d’un nuage accroché aux faites des clochers, le foisonnant murmure d’ombres sous le figé des arbres brûlant à la surface.

      Il parlerait comme parle le vent frémissant dans cette aube conquise aux terres du lointain: cri de pierres jetées, lente métamorphose des mots qui crissent, cassent, craquent…

      Homme du temps rêvé, il viendra se coucher dans l’orge du langage, attendra que le blé monte haut sous nos yeux, que la rose soulève les fragrances du vivre.

      Il écrira peut-être ce que lumières sourcent, ce que reflets abreuvent aux gosiers de nos soifs. Il sera de ce temps fluide qui colle à nos semelles et dicte un devenir d’éternelles amours et de bonheur fuyant.


      **


      le voilà qui boite parfois, allant son existence, alourdi de ce temps qui colle à nos semelles, repoussant de l’épaule la pénombre du monde où s’ouvrent des chemins semés de signes infinis

      pourtant, depuis toujours, il marche, le regard au-delà de lui-même, pour se soulager de l’errance, et assurant sa vue pour assurer son pas, déposant son empreinte sur l’argile des jours et allant, comme va le tracé d’une vie qui peine à se comprendre à travers fêlures saccades cassures et précarité

      il va, irrésigné à son incomplétude, et débrouillant une géographie comme altérée de brumes, dans l’approximation des lieux et des repères, où démarcations et contours lui semblent toujours contestables, parfois noue amitié avec un amandier en pleurs ou un cyprès en feu avant de les quitter, comme on marche vers le lointain (pour entendre ou voir quoi?), quand le lointain demeure et qu’il est la seule patrie

      c’est pourtant là, devant, peut-être, ou plus loin, quelque part, une improbable lune dans un ciel opaque, déesse d’une solitude étoilée de chagrin, une blessure dont la larme tremble et tombe, tombe, avec la pluie du doute

      une larme que l’on dirait abreuvée à la nuit d’infinies solitudes et à la détresse des hommes, à une promesse meurtrie de confuses amours et de bonheur fuyant


      Extraits de Au risque de la Lumière de Michel Diaz et Léon Bralda
      ©️ Editions Alcyone


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      AU RISQUE DE LA LUMIÈRE, M. Diaz et L. Bralda.

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