Echos du vent à ma fenêtre, Eric Chassefière (collection Surya)
L'ouvrage est orné d'une oeuvre plastique.
Né en 1956 à Montpellier, Eric Chassefière vit à Paris. Directeur de recherche en physique
au CNRS, il étudie l'évolution du système solaire et des planètes et dirige un laboratoire de géosciences à l'Université Paris-Sud. Très tôt il écrit de la poésie, imprégnée
par les émotions ressenties dans la nature, héritages de l’enfance. Il a publié dans de nombreuses revues et est l’auteur d’une vingtaine de recueils parus chez divers éditeurs : Encres Vives, Rafael de Surtis,
Editions de l’Atlantique, Editions Alcyone, Interventions à Haute Voix, La Porte. Il a obtenu en 2015 le prix Giorgios Sarantaris pour “Le peu qui reste d’ici” (Rafael de Surtis) et créé avec Jacques Fournier (Itinéraires
poétiques de Saint Quentin en Yvelines) l’action Poeziences de la Diagonale Paris-Saclay, destinée à faire se rencontrer scientifiques et poètes.
Dans ce nouveau recueil, à nos yeux le plus réussi, Eric Chassefière adopte la forme de la prose poétique qui lui réussit à merveille. Echos du vent à ma fenêtre est construit “en vitrail” : une structure maîtresse sur laquelle viennent s’enchâsser un certain nombre de poèmes dans lesquels on retrouve sa thématique essentielle : intériorité, rentrée en soi dans - et par - la nature. Tout bruit d’un silence habité qui nous mène à une forme de contemplation, d’espace intérieur où tout respire et se dilate pour notre plus grand bonheur : celui d’être, simplement. Silvaine Arabo
TEXTES
Sifflement léger, quelque part dans la hauteur, du battement d’ailes d’une tourterelle grise qui
vient se fondre à l’or des branches entrelacées sous une lumière oblique. Puis une seconde, toute blanche celle-là, qui se joint à la première, déclenchant une pluie de feuilles que l’eau de l’ombre
bientôt recouvre du silence des mots éparpillés du poème.
*
Salves des tourterelles dont les puissantes figures d’arbres, détachées de leur squelette, explosent en nuits fixes dans la rétine
du ciel. Feux d’artifice de ces oiseaux dont les gerbes dispersées retombent en nuées de feuilles sur l’écoute, devenue silence avec la mémoire de l’arbre.
*
La page se teinte de rose. Le dernier fruit,
toujours, se laisse cueillir avec l’effacement de la main. Partout îles de présence, secousses d’ailes dans les branches, feux sonores aussitôt éteints des tourterelles griffant le ciel de leurs vies plus légères
que mots.
**
Il ferme les yeux et écoute, oreille collée contre le vent, se laisse porter par son écoute, devient la branche basse du vieux cèdre qui s’écarte du tronc à l’horizontale pour au but de sa
course rejoindre la terre herbeuse, y poser son immense main noueuse dont les larges phalanges battent comme des ailes de papillons. Son cœur alors s’allège, il ne respire plus que par la cime.
**
Entrant sur la scène de
ce jardin, que ferme sur l’arrière le rideau dense d’un petit bois de bambous tiré sur la perspective de la Loire, le voici confronté à cette obscurité qu’il sentait poindre dans son cœur, mais maintenant
matérielle, frémissante, bruissant sous le vent. Des rangées de blocs noirs servent de bancs pour celui qui veut s’arrêter, sentir l’envelopper la secrète proximité de la matière ondoyante, impénétrable,
de ces fines et hautes tiges s’offrant telle une harpe aux doigts du vent silencieux.
Eric
Chassefière
Extraits de Echos du vent à ma fenêtre
Copyright Editions Alcyone
Pour vous procurer le livre d'Eric Chassefière :
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sans oublier de noter votre adresse postale : nous vous enverrons alors
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/ Cet ouvrage est en vente sur www.amazon.fr (taper : Eric Chassefière).
Note de lecture de Eric Barbier sur Echos du vent à ma fenêtre pour la revue Diérèse N°73 :
La bibliographie déjà bien constituée d’Eric Chassefière s’enrichit encore de ce recueil de proses poétiques qui marque une étape significative
dans le travail d’une langue ouverte aux héritages de l’enfance, au partage d’une nature immuable et changeante. Là s’élabore le regard, se révèlent les émotions comme si elles étaient
éclairées par les dernières lueurs du jour, en reconnaissance.
Quatre échos forment ce livre, chacun est introduit par le souvenir d’un concert, la musique devenant une langue si proche
de celle ici employée. « Thème de Van Eyck, son rond, fantasque, de la flûte, perlant comme une rosée aux grandes fleurs de silence dessinées par le jeu d’échos des arcs-boutants. »
Et si le silence est souvent évoqué, invoqué, l’œil du poète, il et je mêlés sans indifférence, sait retrouver d’autres accents à ce qui parle sans que
toujours on ne sache l’entendre. « Puis le soleil noie le fleuve, l’hortensia déjà respire dans le frais vent de pierre où le chat, griffes légères, escalade le silence. »
Le passé réclame l’emploi du pluriel, là en un endroit choisi, on retrouve l’autre, des rencontres se produisent, « tissage intime de l’éternel et du fugitif. »
Croire, non, véritablement découvrir une vision de l’absent, du père peut-être, dans un abandon au présent, reprendre l’enfance, redonner souffle à des temps disparus, pour
vivre encore : être nécessite plusieurs conjugaisons pour que « nos racines deviennent nos traces. »
« Vois, nous ne laissons pas d’empreintes sur le sable encore
empierré de nuit, personne ne nous entend marcher. » L’image trahit loyalement le cœur nerveux du regard. La nuit porte les mémoires, en ravive les teintes.
Ce qui demeure derrière
une porte que l’on n’ouvre plus, la reprise des mots permet d’en garder connaissance ; il ne s’agit pas de deviner mais de savoir s’en approcher, pour « toucher le nom des choses. »
« Le chemin qui va vers l’hiver passe par l’instant où, de la fenêtre, je regarde ces arbres, dans le petit square, portant lanternes du sang ancien qui coule encore dans leurs veines. »
Par l’impromptu d’une réalité que l’œil annonce, par une démarche qui oblige l’absolu à partager les plus profondes vertus, ces proses d’Eric Chassefière
ouvrent un chemin bordé par un certain silence des hommes et la parole des arbres, entre le rêve des origines et la découverte d’une présence heureuse.
Echos du vent à ma fenêtre, Eric Chassefière
Prix global en euros : 16,00€ (+ forfait port et emballage : 4,00€)
Déambulations du sable, Eric Chassefière
Editions Alcyone (collection Surya)
Cet ouvrage est orné d'un dessin acrylique.
978-2-37405-003-4
Né en 1956 à Montpellier, Eric Chassefière vit à Paris. Directeur de recherche en physique au CNRS, il étudie l'évolution du système solaire
et des planètes et dirige un laboratoire de géosciences à l'Université Paris-Sud. Très tôt il écrit de la poésie, imprégnée par les émotions ressenties dans la nature, héritages
de l’enfance. Il a publié dans de nombreuses revues et est l’auteur d’une vingtaine de recueils parus chez divers éditeurs : Encres Vives, Rafael de Surtis, Editions de l’Atlantique, Interventions à Haute Voix,
La Porte. Il a obtenu en 2015 le prix Giorgios Sarantaris pour “Le peu qui reste d’ici” (Rafael de Surtis) et créé avec Jacques Fournier (Itinéraires poétiques de Saint Quentin en Yvelines) l’action Poeziences
de la Diagonale Paris-Saclay, destinée à faire se rencontrer scientifiques et poètes.
La poésie d’Eric Chassefière
exprime la sensualité et la densité charnelle du monde de la nature, tout en en suggérant la quintessence : les jeux de sa lumière, la qualité de son silence... Certains poèmes évoquent de subtiles aquarelles.
Silvaine Arabo
N.B. Vous pouvez écouter des poèmes de Eric Chassefière en cliquant sur la flèche du fichier MP3 en bas de page.
TEXTES
La lente tourterelle gagne
le sommet de silence d’un arbre
autour
d’elle l’eau du branchage s’agite
pulsent mille mains d’ombre
la lumière
à présent se glisse
dans la fleur multiple du souvenir
**
Mûriers aux rebords des jardins
déambulations du sable
page de la mer
glacée d’encres éphémères
va et vient de la mouette
jusqu’à plus d’étoile
rien qu’obscurité de fleur
dont la nuit renaît
**
Coulée de lumière du champ
derrière un hiéroglyphe d’arbres maigres
une chaise qui nous tourne le dos
posée de guingois sur le sol bosselé
personne n’y est assis
à contempler le spectacle de la lumière
textures saillantes limpidité des couleurs
parfaite construction de l’ensemble
qui devient une surface lisse
à la façon d’une photographie de Stephen Shore
**
La lune est là
face au laurier blanc
de grands arbres cachés
platanes et peupliers
dansent aux sons des grillons
on ne voit pas la lune
ni ne touche les fleurs
le grillon reste seul
avec le silence des grands arbres
dont la parole luit
Eric Chassefière, extraits de
Déambulations du sable
Copyright : Editions Alcyone
Reproduction interdite sur tous supports.
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Déambulations du sable, Eric Chassefière
Prix global en euros : 16,00€ (+ port/emballage 4,00€)
L'ARBRE CHANTE, Eric Chassefière
Editions Alcyone (collection Surya)
Cet ouvrage est orné de trois photographies.
978-2-37405-088-1
Eric Chassefière a passé sa jeunesse à Nîmes, et vit à Paris. Directeur de Recherche au CNRS, il est astrophysicien, spécialisé dans l’étude des planètes, et historien des sciences. Il travaille à l’Observatoire de Paris. Il est l’auteur d’une quarantaine de recueils parus chez : Yvelinédition, Encres Vives, Rafael de Surtis, Editions de l’Atlantique, Alcyone, Interventions à Haute Voix, La Porte, Sémaphore (Quimperlé). Il a obtenu en 2015 le prix Giorgios Sarantaris pour « Le peu qui reste d’ici » (Rafael de Surtis), et en 2021 le Grand Prix spécial de la SPAF pour « Comme une sève ». Il a publié dans une trentaine de revues de poésie. Il est membre du comité de lecture de la revue Interventions à Haute Voix. Il est régulièrement invité à donner des lectures : Festival des Poésies Actuelles de Cordes-sur-Ciel, Festival de la Parole Poétique de Quimperlé, Printemps des poètes à Chaville, Maison de la Poésie de Poitiers…
**
Le chant qui habite ces pages est celui du jardin d’autrefois, des hauts platanes pétris de mistral dont l’enfant, s’éveillant au fond de la nuit, perçoit le souffle à travers son corps, comme si le jardin respirait en lui, s’il renaissait de ce chant, de ce jardin, de cette plénitude d’appartenance au monde qui s’empare de lui, un instant (ou une éternité) le berce, puis peu à peu le rend à la nuit. C’est sur ce même lieu d’enfance, assis sous un portique de vieux arbres tors en lisière de champ, que l’auteur a composé en deux étés successifs les première (« Comme une sève ») et troisième (« La sève tourne ») parties de ce recueil, tentant de faire partager en mots ce souffle qui l’éveilla, faire que l’arbre parle, que les mots chantent. La partie centrale (« Naissance de l’arbre »), écrite avec la venue du printemps dans un parc parisien, loin du midi natal, décline le lien incarné par la présence tutélaire de l’arbre, en lequel dans un jeu de miroirs sans fin l’auteur vient renaître, reprendre force et vie. Écrire est ici en effet, et avant tout, un acte de vie, le tissage d’une relation charnelle avec la terre originelle, avec cet arbre dont nous sommes à la fois le souffle et les branches, ce qui parle et ce qui écoute, ce qui nait et ce qui meurt. Désir ultime, à n’en pas douter, de fusion, d’accession au grand Tout de notre présence au monde et à nous-même.
TEXTES
UN SEUIL
Lieu qui est celui de la brièveté, de l'effacement dans l'apparition, tout n'y est que passage des lointains, rapides fresques d'oiseaux, pulsation de la couleur des fleurs sous la lumière rehaussée par l'ombre. Cet ici, on le sent vaciller, toujours proche de s'éteindre, toujours tenu à fleur de peau, il est un seuil, une fenêtreoù l'on vient s'accouder, dos à la pénombre de la maison, laisser son visage s'effacerà l'inconnu de cette lumière du dehors,éclairant un paysage que nous ne voyons pas - simplement caressons des doigts, modelons peu à peu à la forme de notre désir, notre corps de présence dans les choses -, quand tout autour de nous se réinvente sensations, comme dans cette ronce d'autrefoisque l'enfant, tout à son désir de s’y enfouir, vient élaguer. Il faut rester longtemps au seuil, sous ces grands arbres de vent, pour doucement reprendre visage à cette lumière tendre d'avant le corps, remuer les lèvres, ouvrir les yeux, boire à la source de sa présence, à cet infini qui s'ouvre là, sous les portiques des vieux arbres, du champ qu'illumine le soir dans l'immensité de l'ailleurs, sentir comme est profonde la couleur des fleurs du laurier, comme tout ici bat du même désir d'apparaître à la lumière.
COMME UNE SÈVE
Vent dans les choses comme une sève, soubresauts remontant des racines aux branches, le vent l'habite depuis l'enfance, c'est dans le vent que ce matin il marche, que son ombre bat la pierre du chemin, que brille contre le soleilla multitude des anneaux d'or des fleurs. Ce vent qui anime tout autour de lui, qui à tant délier lignes et couleurs, tant jouer dans la transparence de la chose nue, prend valeur de lumière et illumine, il vient, mêlant son souffle à celui du monde, y goûter la plénitude de sa présence à sa terre. Ayant marché longtemps, tous souffles accordés, il aime à venir s'asseoir là, sous les grands arbres noirs, et s'écouter rêver avec le vent, entendre dans la hauteur ces cris d'oiseauxque le vent éparpille et affaiblit, comme un scintillement dans le silence, chant ubiquiste, lointain,qui paraît naître d'un autre temps ; se sentir revivre avec l'enfant, léger de tous ces parfums sans nomaux fenêtres du matin, tous ces chemins à suivre du désir, ces pierres à lancer du cri. Tout entier s’ouvrir à la sensation, laisser longtemps sa mémoire se dénouer,se multiplier les lieux de sa présence, faire corps de toute cette vie qui s’ouvre, toute cette ombre à dénouer de soi-même.
SENTIR
Venu s'asseoir encore, écouter les fontaines de pénombre bruisser dans le vent, sentir contre sa peaus'enlacer soleil et nuit, tenir à bout de lèvrestoute cette nature en feu de son silence, tout ce grand rêve de mots noirsdont il lui faut faire poèmepour que s'accomplisse sa mémoire, qu'aujourd'hui soit achèvement d'hier, que l'enfant vienne rêver en luiet que, rêvant, il efface l'horizon ; qu'ici soit la berge d'un cheminoù l'on va le soir, son ombre pour reflet, l’éternité de sourire d'un seuil, la langue de l’oiseaudans l'impensé du vent. Faire poème pour briser le silence, tailler de ses éclatsle bois tendre des mots, mots qui parlent d'autres mots, silences d'autres silences. Faire poème pour l'éveil lointain, le possible de l'écho, la rumeur qui clôt,le souvenir perdu, pour la fragilité de l'instantqui en fait la beautédans l'effleurement des ombres du temps.
L’ÉTERNITÉ D’UN SOURIRE
Venu méditer au seuil, tenir la fleur du vent dans sa main, comme le fait ce laurier tout scintillant de couleur, poser ses pas dans ceux de l'ombre, là où la terre miroite sous les frênes. S'avancer jusqu'au canal, derrière le rideau des arbres, là où s'ouvre la profondeur, le champ, les arbres, au fond la montagne, sentir comme dans la lumière, là, devant cet infini de couleurs et de lignes, le vent forcit, fouette plus fort, dessine mieux le corpssur la pénombre du lieu d'attentedont ces arbres, ce canal, forment le seuil ; comme, sur cette rive du présent,dans la clarté qui maintenant pleinement nous éclaire, nous prenons forme à ce vent et à cette lumière, comme, à son tour, ce paysage, modelé à force de mémoire s'accomplissantdans la muette profondeur des étés, vient sculpter nos traits. On pense à ces bouddhas de pierre dans leur grotte, qu'une mince clarté caressant leur visagesuffit à animer de l'éternité d'un sourire, sourire de l'intérieur de l'être, comme si la lumière éclairait la pierre du dedans. On se tient là, au seuil, présence parfaitement dessinée dans la lumière, contemplant l'invisible qui nous contemple, on n'entend que le vent martelant la peau.
ALLER SE PERDRE
Ici s'ouvre l'étendue ; frênes, saules blancs et peupliers bordent le canal, abritant du vent et de la lumièrele cœur embroussaillé de l'obscur, ce sous-bois sans cheminoù des yeux aller se perdre dans la succession des puits creusés par la lumière. Cet espace du dedans, on l'explore mieux en n'y pénétrant pas, il faut le laisser venir à soi, caresser de la profondeur du regardses multiples anfractuosités et passages,comme on polirait un diamantpour qu'il ne brille que d'un seul éclat. Face au rideau des arbressur l'autre rive du canalqui nous en barre l'accèsest l'espace du dehors, l'immense champ de fleursqui le soir paraît un lac, dans lequel, pareillement, on n'entre que par le regard, écrivant et réécrivant ces lignes de fleurssur la page où l'enfant tant de fois vint poser sa joue. Les pas sont ici ceux du souvenir ; ces deux inaccessibles, du dedans et du dehors, de l'obscur et du lumineux, fondent ce seuil où nous venons, entre présent et mémoire, rêver visage de l'instant.
DANS LE VENT DU SOIR
La cime blanche du saulebalance doucement dans le vent du soir. On ne sait, cette blancheur des hauts rameaux, si elle est couleur ou lumière, cet incendie blanc sur la masse confuse du sous-bois, s'il signe l'intense lumière rasante du soleilpassant par-dessus le toitou la couleur de neige du feuillage, dont l'argent délicat s'étage en larges grappesdans le bleu sans profondeur du ciel. Cet arbre de la lisière, là, tout contre le trait de lumière chaude de la berge, que double celui bleu et or de l'eau, noyé dans un bouquet d'arbres plus sombres, cet arbre de pure nacredont l'ample voilure ondule dans le vent, on se dit, voyant au-dessus du champ, sur l'autre rive, planer un grand oiseau blancau vol s'incurvant vers le lointain, qu'il est un fanal marquant le seuil, dont l'oiseau dans sa course vers l'horizonse sert comme d'un repèrepour capter notre regard et l'entraîner au loin, là-bas dans la clarté chaude de ces fleursque le soir vient caresser de la lumière même de nos rêves.
LE MIROIR DE L’ÉTÉ
Matin de vent léger dans le silence souverain de l'étenduequi s'ouvre là, sous le portique des hauts frênes, de ce paysage, où l'on n'entre pas, de l'au-delà du seuil, cet infini caressé de soi qu'aucune mémoire encore ne porte, et qui ne se sait pas regardé. Matin, aux sources du désir, du pas profond qui enjambe et accomplit l'enfanceà doucement invoquer le miroir de l'été ancien, matin à reprendre souffle à ce vent d'ailleurs, longuement observer, creuser en soi, exhumer, faire resurgir dans la lumièrele visage qu'elle saura toucher, éclairer de sa propre substance, incarner dans ce présent de la vie mise à nu, tout entière mémoire et devenir. Le voici, debout sous les grands arbres, observant le plus loin en lui qu'il peut, là-bas, dans la présence paisiblequ'animent, au posé du regard, mille mouvements contraires. Les fleurs brillent, la lumière redessine les contours, éclaircit les couleurs, fait gangue autour des formes. Cette lumière d'aujourd'hui, unifiant le regard, il lui faut fermer les yeux pour qu'elle entre en lui, se souvenir pour que l'instant devienne.
Eric Chassefière
Extraits de L'arbre chante
Copyright : Editions Alcyone
Reproduction interdite sur tous supports.
Pour vous procurer le livre de Eric Chassefière :
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L'arbre chante, Eric Chassefière
Prix global en euros : 18,00€ (+ port/emballage 4,00€)
LA PART SILENCIEUSE, Eric Chassefière
©️ Editions Alcyone (collection Surya)
L'ouvrage est orné d'une photographie d'Eric Chassefière.
Eric Chassefière est Directeur de Recherche au CNRS, astrophysicien, spécialisé dans l’étude des planètes et historien des sciences. Il travaille à l’Observatoire de Paris. Il est l’auteur d’une quarantaine de recueils parus chez: Yvelinédition, Encres Vives, Rafael de Surtis, Editions de l’Atlantique, Editions Alcyone, Interventions à Haute Voix, La Porte, Sémaphore (Quimperlé). Il a obtenu en 2015 le prix Giorgios Sarantaris pour «Le peu qui reste d’ici» (Rafael de Surtis), en 2021 le Grand Prix spécial de la SPAF pour «Comme une sève», et en 2022 le prix Xavier Grall pour l’ensemble de son œuvre. Il a publié dans une trentaine de revues de poésie. Il est membre du comité de lecture de la revue Interventions à Haute Voix, chroniqueur régulier pour la revue Diérèse, et membre du comité de la revue en ligne Francopolis. Il est régulièrement invité à donner des lectures: Festival des Poésies Actuelles de Cordes-sur-Ciel, Festival de la Parole Poétique de Quimperlé, Printemps des poètes à Chaville, Maison de la Poésie de Poitiers…
*
Ces poèmes, qui font suite à ceux des recueils intitulés Le jardin d’absence (Sémaphore), puis La part d’aimer (Rafael de Surtis), ont été écrits dans le même contexte de confinement lié à la pandémie de Covid 19. Le décor est celui d’un salon avec le piano, des objets au mur (masques, lampes, cadres), une fenêtre près du piano, un jardin sur une terrasse où l’on ne se tient que peu, jardin surtout pour les yeux, créé et entretenu par la compagne de toujours. C’est du dialogue entre le clavier et le jardin, entre la main qui joue et celle qui sculpte la fleur, entre la musique du cœur et celle du vent, que sont nés ces poèmes avant tout d’amour, qui disent l’urgence, dans l’écoute et le partage, d’habiter l’instant. E. C.
TEXTES
Des lampes là dans une solitude
paraissant creuser le jour
là-haut à l’invisible du ciel
la pénombre du premier chant
qui dit plus que les mots
la fraicheur du matin
entrant par la fenêtre ouverte
qui étreint le corps
les mots sur le papier comme nés des doigts
le temps déjà repris à l’instant
**
Peu à peu inverser le rêve
se laisser jouer par la musique
devenir corps et âme l’instrument
entendre comme la mémoire fait musique
comme cela chante à l’intérieur
partager les yeux fermés
l’impromptu aux harmonies tendres
sentir comme les chemins se mêlent
entendre l’autre respirer en nous
savoir que la musique porte les souffles
la laisser cette musique s’évanouir
à l’horizon de nos silences
entendre comme le chant s’estompe
comme il n’est de silence que renaissant de la musique
comme toute musique porte son silence
**
Voir ces murs cette forêt de tiges
les taches blanches des trois roses
nées de la dernière nuit
ce léger balancement de feuilles
sentir ce vent comme il touche la pensée
comme le jardin fait corps avec les mots
entendre le feuillage bruisser
de la musique même des mots
prendre voix du feuillage
entendre comme la musique résonne
comme elle est en nous jardin
se remettre au clavier
faire chanter le jardin à l’intérieur
sa présence silencieuse
le rêve qu’il éveille en nous
**
Présence de ces murs
ce jardin qui les écrit
ces voix dans les fenêtres
à la fois lointaines et proches
présence du jardin d’absence
invisible lisière des nuits
de tous les horizons possibles
tout ce qui du désir fait seuil
le chemin commence où il s’achève
la page ne se termine pas
on voudrait humer chaque fleur
que chaque instant soit le premier
**
Bientôt l’absence inépuisable
la certitude du souvenir
l’instant pure métamorphose
le jardin est à l’intérieur
il faut entrer en soi-même
longuement écouter la source
mourir de se rejoindre
laisser venir la nuit
savoir faire silence du dernier mot
sourire du dernier baiser
**
Jardin tout près de la main
du silence qui trace la main
de la pénombre murissant l’écoute
du clavier aux promesses de partage
jardin là au creux de la fenêtre
devenue désir de présence
de fusion avec l’arbre
le caché sous l’arbre de la fleur
faire musique de cette proximité
ce silence caressant
cette lumière tournée vers l’ombre
jouer l’écho appeler la voix
**
Ce jardin sentir comme il est musique
comme son silence même est écoute
comme cela résonne loin dans la présence
comme prenant mémoire le chant s’y élève haut
ne jouer peut-être que pour accueillir la nuit
le souffle du vent dans les branches
pour que la musique se souvienne
un pas silencieux efface le chemin
Extraits de La part silencieuse
Eric Chassefière
©️Editions Alcyone
Pour vous procurer le livre de Eric Chassefière :
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- Cet ouvrage est en vente sur www.amazon.fr
LA PART SILENCIEUSE , Eric Chassefière
Prix global en euros : 20,00€ (+ port/emballage 4,00€)
COMME TREMBLE LE SEUIL, Eric Chassefière
©️ Editions Alcyone (collection Surya)
L'ouvrage est orné d'une peinture acrylique de Catherine Bruneau.
Éric Chassefière est Directeur de recherche au CNRS, astrophysicien, spécialisé dans l’étude des planètes, et historien des sciences. Il travaille actuellement à l’Observatoire de Paris. Il est directeur de publication de la revue et maison d’édition Encres Vives, membre des comités de lecture des revues Interventions à Haute Voix et Francopolis, chroniqueur pour, notamment : Diérèse, Terre à ciel, Recours au poème, Oupoli. Il a obtenu en 2015 le prix Giorgios Sarantaris pour Le peu qui reste d’ici (Rafael de Surtis), en 2021 le Grand Prix spécial de la SPAF pour Comme une sève (in L’arbre Chante, Editions Alcyone), en 2022 le prix Xavier Grall pour l’ensemble de son œuvre, et en 2023 le prix Marie Noël pour La part silencieuse (Ed. Alcyone). Il a publié dans une trentaine de revues de poésie. Il est l’auteur d’une cinquantaine de recueils parus chez Encres Vives, Rafael de Surtis, Alcyone, Sémaphore, Editions de l'Atlantique, La Porte, L’Harmattan, Interventions à Haute Voix.
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Ces poèmes ont été écrits en trois temps durant l’été 2022. «Respirer avec l’ombre» est né dans le Cotentin, entre mer et jardin, prolongement du recueil Sentir, publié chez Rafael de Surtis en 2021, dont le tissage de proses poétiques traduit l’intensité du contact établi avec les forces de la nature, en une respiration qui à chaque instant condense être et devenir. «Dans le bruissement de l’ici» continue de la même façon la section intitulée «Comme une sève» de L’arbre chante, publié chez Alcyone en 2021, poèmes écrits dans le mas provençal d’enfance : voix noyée de mistral, assis dans la pénombre - à la fois lisière et seuil - d’arbres plus vieux que mémoire. «Être dans chaque instant», une suite de poèmes écrits chaque matin et chaque soir sur la falaise de Sauzon à Belle-Île, résonne avec les poèmes de Le partage par la musique, écrits à Bangor et publiés chez Encres Vives en 2019, dans le cadre de l’Académie de musique à laquelle l’auteur a participé en tant que pianiste durant plusieurs étés. E.C.
TEXTES
L'arbre chante
Soir silencieux, aux lisières du jardin, de la fresque sombre d'arbres et de murs. C'est le ciel entier qui jaillit, cette profondeur de la lumière dans le bleu rehaussée par ces bords de toits, éternel horizon de ce jardin, avec la cheminée de vieille pierre, dressée comme girouette au vent de la lumière, que le soleil vient caresser de l'or du fruit; et, derrière ce toit et cette cheminée, ce pin à la fine ramure sur le ciel dont la fluidité de la silhouette se fait mouvement au cœur de l'immobile, minces calligrammes sur le ciel du léger feuillage. De l'arbre, du ciel, on ne sait lequel enlace l'autre; de la nuit, du jour, lequel illumine, lequel est illuminé. Plus rien ne bouge que le noir, perpétuel tourbillon de lui-même, toute chose peu à peu rentrant en elle-même, se repliant au secret de la naissance. La nuit est ce jaillissement du ciel, de l'arbre, du toit, hors des limites de nos sens, le jardin comme suspendu dans l'immobile. Se laisser porter par cet horizon du proche, sentir comme se mêlent forme et profondeur, comme chaque lieu de la présence accueille l'infini. Fermer les yeux pour que le ciel soit en nous, l'arbre chante.
Le matin
Immobilité de tout dans le matin. Le jour se lève sous chaque feuille d'arbre, derrière chaque ligne de toit, en chaque jardin qu'une présence habite. Immobilité qui est éternité d'instant, de légers pépiements d'oiseaux, comme flottant sur le silence, de très lointains roucoulements, le battement d'ailes d'un envol - l'oiseau n'habite pas ici le ciel par le vol, mais par la profondeur de l'arbre, l'invisible du souffle, la douceur de la présence faite écho. Il faut cette immobilité du ciel, sa blancheur laiteuse au nu des pierres, l'infinie tendresse de sa page aux soyeuses calligraphies des branches, l'inconnu de la mer qui s'y dessine, pour que l'oiseau vienne s'y cacher. Comme si le ciel lui-même était arbre, si ce qui naissait de ce jardin aux épais branchages rongés par la lumière, de ces proches lisières du regard, de ces horizons de murs et d'ardoise délimitant l'espace de la perception, était encore l'arbre, ce qui jaillit et s'efface, étreint de se laisser étreindre. Comme si dans l'immobile chaque présence était fleur qui s'ouvre, chaque effacement silence qui se déploie. Longtemps écouter dans ce silence le goutte à goutte de la vie, être à la fois la main et l'oiseau, ce qui donne et ce qui reçoit.
Discrète pluie
Mer tout entière frise de sa vague dans cet infini de traces de la plage. Presque personne à cette heure, de légères silhouettes dans l'air brumeux, flottant dans ce continu de lumière entre eau et sable. Une discrète pluie par instant venant nous toucher de ses rayons, lumière et pluie d'un seul dessin à l'illimité délicat de la peau. Embrasser la mer par le large du regard, regarder par la peau, par ce qui s'offre de la présence, percevoir l'immensité par son murmure, par ce qui s'écrit en nous de cette longue phrase de la vague: ces quelques mouettes debout sur leur reflet, ces promeneurs, les pieds dans l'eau, goûtant au seul plaisir de se perdre en soi-même, libre de tout chemin et toute trace, regards inscrits dans l'horizon. Ce murmure, entendre comme au fil du pas il se fait silence, cette sourde lumière, voir comme s'offrant à elle, corps et esprit, peu à peu elle nous efface de nous-même, comme on devient cette lumière, cette pluie. Se laisser porter par cet effacement, cette distance qui se fait en nous, sentir comme peu à peu la présence s'agrandit. Se laisser caresser par une soudaine éclaircie, ouvrir le monde autour de nous, sentir comme le soleil réchauffe, est léger l’amour qui nous porte.
Le silence
Marée haute de la lumière sur l'immense plage, mer et sable mouillé se confondent dans la profondeur, seul le bourgeonnement de la vague dit la rive. Images et sonorités se rejoignent, le trait jamais achevé de l'écume est ligne de murmure à l'horizon de la mer, les silhouettes lointaines rongées par la lumière, funambules errant sur le mince cordon d'eau blanche, sont silence écrit sur de la voix. Seul s'entend le silence, ce qui s'efface de la vague, de l'ombre qui caresse la vague, l’immobilité de l'oiseau au creux de la présence, de la pensée au plein du corps. N'être, laissant trace de son pas, que cette écriture légère de l'oiseau, n'apparaître que de notre disparition, par ce qui se recrée de soi à l'intérieur, chaque instant comme d'un basculement de l'aile. Fermer les yeux pour que vent et lumière nous portent, chercher, paupières closes, l'immobilité, le murmure qui nait de la présence, sentir, cette mer, comme elle est lointaine et proche, comme terre et ciel s’y mêlent. Entendre de lointains cris d'enfant jouant dans la vague, écouter longtemps le silence dans lequel ces cris résonnent, entendre son propre cri à la source de la mémoire, marcher longtemps dans cet écho qui nous accompagne et nous précède.
L'arbre aux oiseaux
Se tenir là, à l'écoute du matin, dos à la maison encore emplie de nuit, dans le petit jardin aux masques de feuillage, à respirer la plénitude de l'espace. Pas une branche ne bouge, seulement par instant la source d'un roucoulement, la modulation d'un cri dans le silence, traçant visage de notre désir d'écoute. Là-bas, où le ciel rejoint la terre, se lie à elle par la frêle silhouette de l'arbre, un ballet silencieux d'oiseaux, une symphonie de noirs sur le silence blanc du ciel. Les oiseaux font partie de l'arbre, ils en sont la respiration, par eux, leurs silhouettes légères, les fins bras aux mains de feuillage viennent toucher le ciel. Venus suspendre l'instant de la courbe interrompue de leur vol, on les voit qui vont et viennent, s'envolent et se posent, imprimant aux branches souples un léger mouvement de battement qui fait que tout l'arbre respire, partage silence et souffle avec la présence collective de l'oiseau. Peu à peu le ciel s'éclaircit, la silhouette de l'arbre se fait moins noire, la présence des oiseaux moins délicate. Alors seulement on s'éveille tout à fait, le cœur empli du battement céleste de l'arbre aux oiseaux.
L’ombre
Plus tard le soleil dessine l'ombre, le jardin de l'ombre, ce que l'ombre à l'or de l'herbe d'été ouvre de ciel, de profondeur dans l'éclat, de désir lointain. Le feuillage courant sur la pierre qui marque la limite du jardin, la lumière l'éclaire par son envers, elle s'y fait vague, il nous semble derrière le mur sentir la présence d'un infini, d'une respiration dont cette lumière légère, s'imprimant en transparence sur les feuilles, exprimerait la surface sensible, pareille à l'écume sur la vague. Il faut sentir comme au caché de ce mur dont la vigne a pris possession,ce rideau de branches mortes tombant du vieil arbre, ces feuillages, ces toits occupant presque tout le ciel, la lumière venue se lire aux lisières sait dessiner le souffle qui libère la pensée. Se laisser glisser dans l'inconnu de la lumière, sentir comme on se rapproche de soi-même, prend visage à cette lumière qui est celle de l'enfance, des rêves perdus du premier jardin. Ouvrir doucement la vie, ultime voix, accueillir l'été, la première fleur, premier dessin du corps.
Eric Chassefière, extraits de Comme tremble le seuil
In section Respirer avec l’ombre
© Editions Alcyone
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COMME TREMBLE LE SEUIL, Eric Chassefière
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