L'ARRIÈRE-VIE de Charles AKOPIAN
Editions Alcyone, Collection Surya
ISBN : 978-2-37405-024-9
Les textes sont accompagnés de la reproduction d'une peinture sur toile d' Arève (www.areve.fr)
Né à Marseille en 1948 de parents rescapés du génocide arménien,
Charles Akopian s’éveille tôt à la poésie dans la ville des “Cahiers du Sud”. En 1965, il ose frapper à la porte de la célèbre revue littéraire et ressort de sa visite complètement
transformé. Les poèmes de Jean Malrieu, Jean Tortel, Pierre Delisle, Gérald Neveu, Guillevic et les écrits de Joe Bousquet nourrissent son quotidien. Etudes à la Faculté des Lettres d’Aix-en-Provence (licence
de russe). Il décide toutefois en 1972, après deux ans de bénévolat, de consacrer sa vie à la solidarité en actes : combattre un maximum d’injustices, partout dans le monde, s’impose à lui (en écho
à la blessure-racine de cette injustice majeure qu’est la non reconnaissance du génocide arménien). Durant quarante ans il s’active, déclinant la devise du Secours Populaire Français : “Tout ce qui est humain
est nôtre”.
Les poèmes, les recueils, se sont accumulés durant toutes ces années. Le temps de la retraite devient celui du retour à la poésie.
Premières publications dans la revue La main millénaire, en 2016. Après avoir vécu à Marseille, Aix-en-Provence et quarante ans à Nîmes, Charles Akopian a choisi de rejoindre “son soleil” à
Brest...
TEXTES
Et voici qu'on déchire
L'aile des papillons,
Qu'on allume avec le sang
Des leurres sur la route,
Stèles pour un dernier envol
Par-delà la verrière.
En plein été,
Le goût des levers
de rideau
Invite les abcès à se vider,
Juste une étreinte
Entre des lignes brisées.
***
Parfois, défaire une ombre
Relève du combat avec le temps,
Est-ce une image, une éclaircie
Volée à de vains désirs ?
Au chevet de l'endormie,
Les plantes perpétuent
Une présence habitable.
Dans cette encre apprivoisée
Pour baliser
le chemin,
Se rendre visible est une question
De survie.
***
Fouetter les courants d'air,
L'orage
S'impatiente de n'avoir
Point de fruits.
Pour river l'échange
Entre des yeux
Qui ne se voient plus,
Des guetteurs
Dépourvus de territoire
Cherchent à nier
L'usure du destin.
***
Choisir de ne plus répondre,
Est-ce une délivrance
Pour emprisonner l'autre
Dans l’évidence du déni ?
Et si un tel cynisme ne
servait
Qu'à couper la route aux mots
Pollueurs de l'espace à préserver ?
L'amour sort ses griffes pour garantir
Au métissage une porte sur l'avenir.
***
Dévider l'écheveau par l'écrit,
Déjà le torrent régit le va-et-vient
Entre hier et aujourd'hui,
Et supprime les freins.
Tous les témoins font grappe
Et démêlent les contacts
Que l'isolement prophétise :
Ce qui se voit,
Ce qui regarde et sacre la relation,
La douceur à l’épaule.
L'haleine prend le large
Dans la résille des mots
Finalement acceptés.
***
Dans l'arrière-vie,
Quelles nasses pour l’amour ?
Tout n'est que retouche
Et chaque paysage,
Une nature hermaphrodite.
Le silence reste en arrêt
Devant le chasseur de vie.
Sortir de soi n'aiguise plus
De faux pour la moisson
À partager,
Les fruits ne portent plus
De temps à mûrir.
Charles Akopian, extrait de
L’Arrière-vie
Copyright : Editions Alcyone
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Note de lecture de Serge Velay sur le recueil L'arrière-vie de charles Akopian, parue dans la revue La main Millénaire de Jean-Pierre Védrines :
Je me souviens qu’au tournant des années 70, Charles Akopian lorgnait déjà en lecteur aventureux les chemins de crête de la littérature. Ses préférences allaient
alors à Joë Bousquet et Eugène Guillevic, à Jean Malrieu et Jean Tortel, ou encore à Edmond Jabès et Anne-Marie Albiach ; autant de démarches et de trajectoires singulières qui attestent l’existence
d’ « un ordre de recherches et de soucis, sans quoi, remarquait Jean Paulhan, la littérature n’est qu’une plaisanterie assez médiocre ».
Cinq décennies
plus tard, voilà que ce compagnon de route discret fait irruption sur la scène éditoriale. L’Arrière-vie est son premier opus, et il nous l’offre avec la brusquerie d’un joueur longtemps empêché qui
abat ses cartes. Cette publication à tout le moins tardive, comment l’expliquer ? Par un excès de scrupules et de pudeurs, une irrésolution foncière ; et aussi par le refus farouche de figurer, en une époque abondante
en tricheurs et en faux- monnayeurs. Instruit à l’humilité par son engagement en faveur des plus démunis autant que par son commerce avec la Grande Poésie, on imaginait mal Akopian franchir le Rubicon autrement que l’épée
dans les reins: il se trouve que, poussé par les
circonstances dans ses derniers retranchements, d’un impératif, d’une raison vitale il a fait justement le sujet de son livre
; et que, sous les dehors d’un recueil de tessons, ce livre combine le récit affolé d’une débâcle et la chronique sans concessions d’une renaissance.
Ici,
on n’en appelle pas à l’écriture pour ré- enchanter le monde, mais pour exorciser une réalité difficilement supportable et résoudre une crise. « Triompher ou mourir », telle est en effet l’alternative
au principe de L’Arrière- vie. Akopian note : « Il restait tant à faire/Et le temps était compté,/Tant à emplir, à éblouir/A rassurer./Le temps creusait/La tombe, jour après jour,/Sans un
clin d’œil, /De plus en plus étranger. » Avant d’ajouter : « Il restait tant à muscler/Pour retenir l’attente,/La force qui a cédé/N’attendait qu’une force enfin libre,/Enfin retrouvée.
» A peine un cri de victoire, car il faudra bien sûr recommencer... C’est peu dire que, tel un baume versé in extremis par la grâce du poème sur une Grande Douleur, ce livre tranche fort auprès du blabla et du chichi
poétique.
A l’évidence, la démarche d’Akopian, qui parie sur les pouvoirs de conjuration de l’écriture, se situe dans la lignée de celle d’Henri
Michaux. Parce que L’Arrière-vie est la relation d’une sécession d’avec le monde, le procès-verbal d’un différend avec la réalité,
on
songe aussi à Hugo von Hofmannsthall et aux Lettres à Lord Chandos. «Sous la lumière usagée», note Akopian, «tout se dérobe » et « il fait un temps à trébucher sur ses sentiments».
Du coup, on s’inquiète: « Courir entre les heures/Pressées d’ancrer le décalage,/Est-ce une offrande à son présent,/Ou le noirceur qui s’invite à table ? »
Sauf à être livré à son seul instinct, chez tout poète conséquent il y a aussi un critique à l’œuvre, qui met en crise et n’accepte pas l’évidence. La
poésie, écrivait Paul Valéry, consiste en « une augmentation de conscience des opérations de l’esprit ». L’Arrière-vie propose un état des lieux, un inventaire sans concessions des moyens de
la poésie ; ils ressemblent à s’y méprendre à une tabula rasa. Le Présent ? « Pas d’heure où habiter. » L’Absence ? « Une vaine mise à nu. » La Résistance ? Une
activité « chaotique » et « improbable ». Quant à la Poésieelle-même : «Rien de poétique sur quoi prendre appui. »
Désormais,
vers quoi, vers quelle autre vie se tourner ? Vers la vie ancrée dans la réalité sans fard ni déguisement, car « la réalité radicale, soutient Akopian, est notre vie». Telle est la leçon cruelle
de ce grand livre héroïque et incommode, dont sourd la promesse d’une vita nova arrachée au deuil et à la détresse ; c’est-à-dire à « la béance du
toujours-perdre, que seul un chant qui brode, encore et toujours, peut combler ». On s’impatiente déjà. A quand la suite de cette aventure ?
Serge Velay
L'ARRIÈRE-VIE, Charles AKOPIAN
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