François Coudray

 

Textes : 

je suis parfois tenté de lui dire

de rester contre moi

et à force de mots dessiner

l’absence de son corps

et ton absence m’accompagne

un instant encore

reste un instant encore

**

il suffit parfois de quelques notespour

réveiller la déchirure
où crie et creuse 

ton absence
monte en moi m’embrasse me terrasse

l’absence de ton corps

**

la terre est chaude

contre laquelle tu ne dormiras plus

et cendre

sur ma joue

la cicatrice des herbes

**

dans l’ombre qui grandit

et de la plaine glisse éteint

les cimes (la montagne tremble encore et

nos corps) dans le froid qui monte

avec la nuit

mes deux mains

terre

givre

neige

boue

cendre encore

comme une tache

une caresse

sur le dos de la dextre

**

je n’attendrai plus la nuit

sur les branches hautes du chêne

face à la maison ombres tremblent

nos peurs d’enfants

contre la montagne paume vide (il commence à faire froid)

et la terre monte avec la nuit odeurs de mousses d’écorce de sève feuilles feuilles mortes herbes humides goudron mouillé une voiture passe

lumière fuyante des phares dans le virage

et la lueur vacillante du réverbère

**

pour crier la douleur de te perdre retrouver l’enfant de nos jeux pour dire

cela que l’on ne comprend pas

Extraits de Ça veut dre quoi partir

François Coudray

© Editions Alcyone

 

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ÇA VEUT DIRE QUOI PARTIR, FRANÇOIS COUDRAY

EDITIONS ALCYONE

20,00€ (+ port 04,00€)

Note de lecture sur Ça veut dire quoi partir de François Coudray. Ed. Alcyone. 2022

par Luce Guilbaud.


« pour essayer de comprendre ça veut dire quoi partir

respirer ton absence »

ça veut dire quoi mourir ? plus exactement ça veut dire quoi vivre la mort de l’autre, le frère, le même ? ... Eprouver l’absence dans toute sa tension, la recherche des mots pour panser (penser) la déchirure, la perte. Raccorder le présent à cette question de ce qui marque siviolemment, si profondément !

En de courts textes très forts, François Coudray affronte la forme du vide, ce qui dessine le corps de l’autre qui a grandi près de lui, en lui, dans le partage des jeux, des activités de la montagne (« courir la roche »), des souvenirs, la joie, l’effort « quand la lumière tremble etla brise descend de la montagne »...

Les poèmes sont une sorte de litanie douloureuse où même respirer seul fait mal quand on aeu l’habitude de respirer ensemble.

Beaucoup de textes commencent par « quoi » en une construction brutale des vers puisque le sens des questions est tellement inconfortable et insupportable. La destruction sémantique cogne contre l’absurdité de cette réalité.

« et quoi l’oubli quand mon corps (n’est plus que le soleil à travers la vitre sa

chaleur sa douceur) peau à peau s’en va

avec lui » ou

« quoi ainsi je sers lâche si fort »

Ces textes si émouvants comme un journal de deuil à surmonter sont surtout un chant d’amour à ce frère disparu. Il est loin, il apprend la mort par téléphone, alors « faut-il accepter que tu sois sans lieu? pour mieux embrasser le corps du monde». Les réminiscences, les souvenirs fouillent la douleur, lui donnent une forme. François Coudray trouve les mots pour « cela qui restera sans mots ».

« On peut vivre aussi dans la déchirure on peut très bien »

J’ai envie de dire : vraiment ? Quel courage !

De ce genre de poèmes on dit que c’est un « tombeau » mais le poète, lui, dit : « qu’aucun poème/ pierre mais pas tombeau ». Et maintenant ?

« chanter bancal chanter quand même sourire à la lumière »

François Coudray, en ces chants d’amour fraternel délivre aussi une belle leçon de : "comment Vivre avec nos morts" (Delphine Horvilleur).


Luce Guilbaud. Mars 2023.

ÇA VEUT DIRE QUOI PARTIR, FRANÇOIS COUDRAY

© EDITIONS ALCYONE

François Coudray, né en 1977 dans les Alpes, vit et travaille actuellement à Istanbul (Turquie) après une dizaine d’années passées aux Philippines puis en Uruguay. Il est l’auteur d’une dizaine de livres et de livrets de poésie. Ses projets l’engagent à faire dialoguer, en français et dans d’autres langues, écriture et arts plastiques, mais aussi musique et arts de la scène. Il collabore régulièrement comme auteur, traducteur ou chroniqueur, à plusieurs revues littéraires. 

Ça veut dire quoi partir interroge les lieux de l’absence. Parole déchirée, appelée par le chant, la poésie de François Coudray explore les chemins du souvenir, du corps et de l’écriture elle-même. Le souvenir, ancré dans cette montagne grimpée avec le « petit frère », cet « autre moi » qui a décidé de partir. Le corps, dans lequel l’absence trouve refuge, et qui, au fil du texte, essaie d’écouter autrement la « langue des matières » et d’y reprendre souffle. L’écriture, enfin, qui « chante bancal » mais « chante quand même », et continue de chercher. « Ecrire sous les mots, (…) sous eux, parfaitement, à une incalculable profondeur », c’est ainsi que Richard Rognet ouvre sa « petite lettre-préface » à ce recueil.

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