Romancero Gitano, Romances Gitanes, suivi de Complainte Funèbre pour Ignacio Sanchez Mejias de Federico Garcia Lorca.
Traduction nouvelle en français par Michel Host, agrégé d'espagnol, Prix Goncourt 1986.
Editions Alcyone, Collection Mitra
ISBN : 978-2-37405-021-8
Federico García Lorca - 1898 – 1936
Né à Fuentevaqueros (Grenade),
il étudia à Madrid, y rencontrant Salvador DalÍ ou Luis Buñuel... Dons pour le dessin, la musique, poète : Libro de poemas, El Romancero gitano (recueil qui inaugura sa gloire), Poeta en Nueva York, Diván
del Tamarit... Dramaturge aussi : Mariana Pineda, Bodas de Sangre, Yerma, La casa de Bernarda Alba... Dans l’esprit de rendre les « classiques » au peuple, il emmena le théâtre itinérant La
Barraca à travers toute l’Espagne. Traduit l’âme sombre et lumineuse de l’Andalousie et exprime son génie propre dans sa caractérisation poétique et vivante du "duende". Les franquistes l’assassinèrent
au « ravin de Viznar », non loin de Grenade, au début de la guerre civile. Son Romance de la guardia civil española n’est sans doute pas pour rien dans ce crime.
Michel
Host
Né en Belgique, amoureux de la langue française. Vit entre Paris et la Bourgogne. Fut professeur
agrégé d'espagnol. Poète, puis romancier et nouvelliste. Plusieurs de ses romans et recueils reçurent des prix littéraires (notamment Prix Goncourt 1986 avec Valet de nuit). Traducteur de l’espagnol et du grec ancien. Derniers ouvrages parus : Figuration
de l’Amante (Éd. de l’Atlantique, 2010 - Poèmes) ; Mémoires du Serpent (Éd. Hermann, 2010 – roman) ; Une vraie jeune fille ( Éd. Weyrich, 2015 - nouvelles). Traductions :
Ploutos, d’Aristophane (Éd. Mille et Une Nuits - 2012) ; Stances pour la mort de son père, de Jorge Manrique (Éd.de l’Atlantique, 2011).
Restituer la mélodie,
les rythmes, les battements du cœur, la froideur géométrique, les clartés et les ténèbres de F.G. Lorca, en cherchant à préserver ce furtif duende gitan et andalou qui est toute son âme,
c'est ce qu'a tenté Michel Host dans cette traduction nouvelle du Romancero Gitano.
(...)
Des brises de roseaux mouillés
et la rumeur de voix anciennes
résonnaient au travers de l’arc
brisé
du mitan de la nuit.
Les bœufs et les roses dormaient.
Mais voilà, par les hauts corridors
les quatre lanternes clamaient
avec la fureur d’un saint Georges.
Tristes les femmes dans le val
descendaient son sang,
du sang d’homme,
sang tranquille de fleur coupée,
sang amer d’une jeune cuisse.
Et les vieilles femmes du fleuve
pleuraient au pied de la montagne
une minute infranchissable
de chevelures et de noms.
(...)
Extrait de Mort d'amour, in Romancero Gitano
de F.G. Lorca
Copyright Editions Alcyone : traduction en français de Michel Host
ROMANCE DE LA LUNE LUNE
La lune est venue à la forge
en sa crinoline de nards.
L’enfant la regarde, regarde…
Oh comme l’enfant la regarde.
Et parmi les airs tout émus
la lune balance ses bras,
et laisse voir, lubrique et pure,
ses seins de dur, si dur étain.
- Sauve-toi lune, lune, lune !
S’ils venaient, venaient les gitans,
de ton cœur, ô lune, ils feraient
de blancs colliers, des bagues blanches.
- Enfant, laisse-moi donc danser !
Quand arriveront les gitans,
ils te trouveront sur l’enclume
avec tes petits yeux fermés.
- Sauve-toi lune, lune, lune !
Oh, déjà j’entends leurs chevaux.
- Enfant, laisse-moi ! Ne piétine
pas ma blancheur amidonnée.
Le cavalier se rapprochait
frappant le tambour de la plaine,
et dedans la forge l’enfant
tient ses petits yeux bien fermés.
Par l’oliveraie ils venaient,
de bronze et songe, les gitans,
avec leurs têtes haut levées,
avec leurs yeux, leurs yeux mi-clos.
Comme elle chante la chouette !
Ah, comme elle chante dans l’arbre !
Parmi le ciel s’en va la lune
tenant un enfant par la main.
Au dedans de la forge pleurent
et poussent des cris les gitans,
et le souffle la veille, veille…
la veille le souffle du vent.
Copyright Editions Alcyone : traduction en français de Michel Host
ROMANCE DE LA LUNA LUNA
La luna vino a la fragua
con su polisón de nardos.
El niño la mira, mira.
El niño la está mirando.
En el aire conmovido
mueve la luna sus brazos
y enseña, lúbrica y pura,
sus senos de duro estaño.
Huye luna, luna, luna.
Si vinieran los gitanos,
harían con tu corazón
collares y anillos blancos.
Niño, déjame que baile.
Cuando vengan los gitanos,
te encontrarán sobre el yunque
con los ojillos cerrados.
Huye luna, luna, luna,
que ya siento sus caballos.
Niño, déjame, no pises
mi blancor almidonado.
El jinete se acercaba
tocando el tambor del llano.
Dentro de la fragua el niño
tiene los ojos cerrados.
Por el olivar venían,
bronce y sueño, los gitanos.
Las cabezas levantadas
y los ojos entornados.
Cómo canta la zumaya,
¡ ay, cómo canta en el árbol !
Por el cielo va la luna
con un niño de la mano.
Dentro de la fragua lloran,
dando gritos, los gitanos.
El aire la vela, vela.
El aire la está velando.
- Vous pouvez écouter des poèmes de F.G. Lorca (version bilingue) en cliquant sur la flèche du fichier MP3, en bas de page.
- Pour vous procurer cet ouvrage :
- envoyez-nous un courriel à l'adresse suivante : editionsalcyone@yahoo.fr
sans oublier de noter votre adresse postale : nous vous enverrons alors un Bon de commande.
- Vous pouvez commander ce livre en librairie.
- Cet ouvrage est en vente
sur www.amazon.fr
Note de lecture de Léon-Marc Levy, parue sur La cause littéraire (site en ligne) du 15/10/12
En cette période de rentrée littéraire,
où l’assez bon côtoie trop souvent le médiocre voire l’affligeant, avoir ce petit livre dans les mains est comme un cadeau : le cadeau de la beauté absolue, de l’intelligence, de la langue. De la littérature
enfin, en un mot. De la littérature dans son expression originelle, la poésie.
Retrouver Lorca après trop longtemps d’absence ressemble à un retour aux racines, au bercail, au territoire
qu’on ne devrait jamais quitter, ne jamais oublier de revisiter. Tout y est suffocant de beauté et d’une familiarité profonde. Parce qu’on sait par cœur certains poèmes de ce recueil mais aussi, et surtout, parce
qu’on prend en pleine face le souffle du « duende » lorcien, cette musique sombre, cette âme profonde et saisissante qui émane non seulement des mots de Lorca mais aussi d’un au-delà des mots, d’un
point suspendu hors du temps et qu’on sait être l’Espagne, l’Andalousie dans ses gammes les plus graves. « Les sons noirs » dont parlait Lorca.
Lisez la préface
de Michel Host. Elle est lumineuse dans son propos. Le duende c’est ce qui a mené Michel Host à cette traduction. A ce miracle de traduction. A la fin de cette préface, Michel Host s’inquiète :
« (le duende) habite le Romancero gitano, et quoique revêtu de ses oripeaux français, j’espère ne pas l’en avoir chassé. »
Qu’il
ne s’inquiète plus ! Et c’est bien là le miracle de ce petit recueil. Dans la magie du travail de traduction parvient à « passer » la musique de basse des octosyllabes de Lorca dans celle des octosyllabes
en langue française. Il ne s’agit plus de traduction mais d’un glissement sonore où le sens n’a de sens que pétri dans la glaise des sons. Que serait une « traduction » du Romancero sans
le duende ? Un pur exercice sémantique ? Michel Host traque la sève du chant lorcien et elle coule dans ses vers traduits.
Il fallait oser et, pour qui osait, il fallait réussir. Ce recueil
est un double chef-d’œuvre : celui de Federico Garcia Lorca bien sûr, poète à vif de l’Espagne à vif ; celui de Michel Host qui ici fait aussi œuvre de poète en faisant murmurer le duende
dans une langue qui n’est pas la sienne.
Ecoutez :
Los caballos negros son.
Noirs ils sont, noirs sont les chevaux.
Las harraduras son negras. Leurs fers aussi, leurs fers sont noirs.
Sobre las capas
relucen Sur leurs capes partout reluisent
Manchas de tinta y de cera. Des macules d’encre et de cire
La traduction de Michel Host n’est surtout pas un exercice de respect figé devant la figure devenue mythique de Federico Garcia Lorca. Elle est passion partagée de l’Espagne, de sa langue
et d’un des plus grands de ses poètes. C’est l’un des événements authentiques de cette « rentrée ».
Romancero Gitano, Romances gitanes,
suivi de Complainte funèbre pour Ignacio Sanchez Mejias
Federico Garcia Lorca (traduction nouvelle de Michel Host)
Prix global France en euros : 16,00€ (+ port/emballage : 4,00€)