El poeta y la soledad (Le poète et la solitude)
de
Porfirio Mamani Macedo (traduction en français de Max Alhau)
(Editions Alcyone, Collection Mitra)
ISBN : 978-2-37405-038-6
Porfirio Mamani-Macedo est né à Arequipa (Pérou) en 1963. Docteur ès-Lettres à la Sorbonne Nouvelle. Il a obtenu son diplôme d’avocat à l’Université Catholique
Santa María et a fait ses études de Lettres à l’Université Nationale de San Agustin (Arequipa). Il écrit poèmes et nouvelles pour plusieurs revues littéraires en France. Actuellement, il est chargé
de cours à l’Université de la Sorbonne Nouvelle.
Vous pouvez lire des textes extraits du "Poète et de la solitude" de Porfirio Macedo après la note de lecture ci-dessous :
PORFIRIO
MAMANI-MACEDO – « Le poète et la solitude »
Par Jean-luc Favre Reymond
Dans son nouveau recueil judicieusement intitulé « Le poète et la solitude », Porfirio Mamani-Macedo nous entraîne dans les méandres de la solitude qui s’insinue comme la condition
incertaine d’une attente en quelque sorte irrévélée. Un préalable en somme qui se décline également comme un avertissement, aussi bien qu’une errance fortuitement déclarée, qui stigmatise
la recherche intérieure. Ici plutôt un espace clos, bien qu’adroitement clarifié, mais pour qui au juste ?
« Comme si hier n’existait pas, je dois marcher en silence ».
(P 3)
D’emblée le temps fait son œuvre. Certes dans le passé proche. « Hier », un simple reflet de la pensée qui accompagne le poète dans son long silence, vers sa maturation
probante. Mais « Hier » ne sonne pas forcément le glas. Il oblitère une manière d’avancer dans le temps, au sein d’une existence qui semble malmenée par les affres d’une quête toujours
à définir ou à redéfinir dans l’ignorance croissante des procédés.
« Tout s’étend dans le regard que nous jetons sur la peau du marbre qui
nous contemple » (P 3)
Le marbre est froid, faut-il le rappeler ici ! Mais un marbre qui se veut désormais organique, comme l’approche improbable d’une réalité à découvrir dans
la contemplation présente et à venir. Le poète doit-il pour autant se soucier de la matérialisation de son imaginaire à son endroit précis, avec l’imparfaite conscience de n’être que l’intermédiaire
de sa propre altérité au monde.
« Sans rien demander à quiconque, je dois m’éloigner de tout ce qui me manque » (P 5)
L’éloignement
est parfois salvateur à condition toutefois de conjuguer certains termes fussent-ils parfois difficilement compréhensibles et repérables pour soi même. La distance ô combien nécessaire, entre le temps qui défile
sous nos yeux, et sa complainte inaudible. En effet le poète ne peut dire ou écrire vraiment sereinement ce qui lui manque. Un manque dont il connaît pourtant les origines aux contours flous, aménagé au gré des
circonstances et des vicissitudes. Finalement le manque qualifie avant tout les attentes, plutôt que les déceptions. Mais ?
« Aujourd’hui, alors que je vois l’aube de mes rêves,
je dois endurer le clou, l’épée qui imprime sur moi sa marque ». (P.7)
Nous y sommes ! Le poète demeure au fait de son intention originelle. Le masque de la souffrance a disparu, dans une souffrance
plus grande, dont l’endurance constitue le socle, bien plus que la vertu. Une empreinte certainement, ou bien encore la trace imperceptible d’une grâce à conquérir. Laquelle cependant ? Car l’épée demeure
malgré tout une arme implacable. Elle peut détruire sans aucun doute, celui qui s’en empare maladroitement, aussi bien que le clou. Il n’y aura donc pas de possible rémission. Rien que des cicatrices…. .
« C’est le temps qui obstinément nous sépare » (P. 21)
Encore le temps ! Toujours le temps ! Comme une insidieuse mise en garde. Le désir ne peut
s’accomplir sans quelques précautions d’usage. Le temps qui meurtrit et qui tue, à l’aube d’une séparation inévitable, entre « Je » et « tu ». Tu n’es pas
celui que tu crois être. Car là encore c’est l’ombre qui divise les éléments.
« Comment dire non au destin, au rêve qui inscrit tout sur une partie du chemin ».
(P.27)
Mais de quelle inscription s’agit-il au juste ? Transcription de la hantise quotidienne du poète, ou transgression de ses propres limites. Un autre aspect de l’entendement, souverain dans son éclat –
et dans sa possible fracture. Rejoindre alors le chemin, ne plus s’en détourner, au prix d’un effort presque surhumain. Le poète le sait-il ? La solitude n’est jamais vraiment complètement éphémère,
elle trace des lignes indélébiles, « contre soi-même ». Et ne supporte guère le mensonge ou pire le déclin.
« Nous sommes un souvenir qui revient au
lever du jour » (P.40)
Il faut donc apprendre à résister et garder les yeux ouverts, car le souvenir est toujours traître. Une affabulation inconstante de son attente sclérosée, comme si l’existence
ne supportait plus les os rongés par le sens. Alors que le lever du jour reste un leurre. Car c’est la nuit qui partout domine, au sein de l’imaginaire récalcitrant.
« Je
suis une pierre qui résiste à la pourriture, celle qui ronge mes os et mon sang ». (P.57)
De ce point de vue le poète a bien perçu de quoi il en retournait, lorsqu’il tente de rompre son
propre pacte. Quand bien même la pierre le protègerait d’une mort subite, voire inconsciemment calculée et désirée, la pourriture elle ne peut être, ni rompue, ni évitée. Le destin fait toujours son
œuvre, là où il est invité, au mépris des os, et du sang. Fatale reconduction de l’abîme infinie.
« Mes traces resteront seulement sous la poussière
qui menace, toujours ». (P.61)
Enfin nous y voilà. La terrifiante conclusion. Le poète s’il n’a pas rendu l’âme, sait que le temps a eu raison de lui, malgré de vains combats. La poussière
menaçante et éphémère a fait son œuvre. Elle a creusé son implacable sillon dans la peine puis la disparition. Le poète demeurera seul, à jamais. Ainsi le voulait-t-il. Ainsi soit-il…
TEXTES
II - El recuerdo
Sin preguntar nada a nadie debo alejarme de todo aquello que me falta. Mas cómo decirle no al mar, al viento, al polvo que me sigue, y también al llanto
peregrino de los hombres que buscan, una llave, un camino que los salve. A una sombra me retiro, a la sombra de la piedra que soporta mi destino. Huellas que no borrará el tiempo; hojas que no caerán del árbol prohibido, palabras que no
verán mis ojos. En alguna parte, con el polvo del desierto se escribirá mi nombre, yo que huyo del desierto y del mar, a ellos volverán mis pasos, que hoy arrastro a orillas de este río incierto que soy yo.
II - Le souvenir
Sans rien demander à quiconque,
je dois m'éloigner de tout ce qui me manque. Mais comment ne pas dire non à la mer, au vent, à la poussière qui me poursuit et aussi à la complainte passagère des hommes qui cherchent une clef, un chemin qui
les sauvera. Je me réfugie vers une ombre, une ombre de la pierre qui supporte mon destin. Des traces que le temps n'effacera pas, des feuilles qui ne tomberont pas de l'arbre interdit, des paroles que ne verront pas mes yeux. D'un côté,
avec la poussière du désert, on écrira mon nom, moi qui fuis le désert et la mer, mes pas reviendront vers eux. Je les arrache aujourd'hui aux berges de ce fleuve incertain que je suis.
III - La mirada
Me hundo cada vez en mi silencio, me hundo como una piedra
en el vacío, así debo acercarme de todo y de todo alejarme. Cada instante, cada día es un camino que me alcanza, más allá del sol y de mi sombra, la noche. Hoy que veo el alba de mis sueños, debo soportar el clavo,
la espada que me marca. Mirando por esta ventana el universo, se acabarán mis ojos. Sé que debo dispersar las llamas que me encierran, sé que debo ser sólo piedra, hojas que todos mirarán como se mira detrás de la
ventana las nubes que se alejan.
III - Le regard
Chaque fois que je m'enfonce dans mon silence, je m'enfonce comme une pierre dans le vide, je dois ainsi m'approcher de tout et m'éloigner de tout. Chaque instant, chaque jour est un chemin qui
me rejoint la nuit, bien au-delà du soleil et de mon ombre. Aujourd'hui, alors que je vois l'aube de mes rêves, je dois endurer le clou, l'épée qui imprime sur moi sa marque. En regardant le monde par cette fenêtre, c'en sera
fini de mes yeux ; Je sais que je dois disperser les flammes qui m'enferment, je sais que je dois être seulement pierre, feuilles que tous regarderont comme on regarde derrière la fenêtre les nuages qui s'éloignent.
V - El silencio
Mi silencio vuelve con el viento helado de la tarde. Busca
en una calle, pasos de alguien que ha pasado. Los ojos de las casas, parecen iluminar las tinieblas que me encierran. Yo no digo nada, sólo debo mirar el rostro que se aleja, el frío rostro que me mira caminar a orillas de este río, la
vida. Tan inmenso es el frío y el miedo, tan largos los minutos que me enfrentan a la nada. Otra vez debo ser el paria de la suerte. Otra vez sólo debo abrazarme de mis huesos, abrazarme de las ramas de mis huesos. Yo, polvo que camina, río
que se aleja.
V - Le silence
Mon silence revient avec le vent glacé de l'après-midi. Il cherche dans une rue les pas de quelqu'un qui vient de passer. Les yeux des maisons semblent illuminer
les ténèbres qui m'enferment. Je ne dis rien, je dois seulement contempler le visage qui s'éloigne, le visage froid qui me regarde marcher au bord de ce fleuve, la vie. Le froid, la peur sont si vastes, si longues les minutes qui me confrontent
au néant. Une fois de plus je dois être le paria du destin. Une autre fois je dois me ceindre de mes os, me ceindre des branches de mes os. Moi, poussière qui va, fleuve qui s'éloigne.
VIII - En la ausencia
Que no sea más la misma sombra, ni el mismo
laberinto el que me encierre. Que no sea más el tiempo y la distancia los verdugos de mis sueños. Ya oigo las olas de los mares, ya siento las raíces de la noche, las uñas del invierno, aquella infinitud que no me trae nada. Hoy
debo soportar tu ausencia, amada azul, tú que peregrinas solitaria como el viento, tú que cruzas caminos olvidados y desiertos desolados, tú que pasas invisible al lado de la gente, tú que engendras dudas, tú que amarás
toda mi alma. Junto a un árbol me veras mañana, ese que ya habrás visto otras veces humanamente, ese que resiste al crepúsculo y a la noche.
VIII - En ton absence
Que ce ne soit plus la même ombre ni le même labyrinthe qui m'enferme. Que ce
ne soit plus le temps et la distance les bourreaux de mes rêves. J'entends déjà les vagues de toutes les mers, déjà j'éprouve les racines de la nuit, les griffes de l'hiver, cet infini qui ne m'apporte rien. Aujourd'hui
je dois supporter ton absence, mon aimée d'un bleu azur, toi qui voyages solitaire comme le vent, toi qui croises des chemins oubliés et des désertes arides, toi qui passes invisible à côté des gens, toi qui engendres
des doutes, toi qui aimeras âme entière. Près d'un arbre, tu me verras demain, cet arbre que tu auras déjà vu d'autres fois humainement, lui qui résiste au crépuscule et à la nuit.
X - Ella, La muerte
Como cualquier anochecer, quisiera
saber que no te has ido. Yo en tus ojos deseo recordar el nombre de los ríos que han de traer tu barca. No me asombrará la noche, tampoco la distancia que exhibirán a los que te habrán visto pasar. Terriblemente veo que ya no estás,
que tal vez nunca estuviste por aquí, que sólo es el perfil deformado de mí mismo. Sólo el ruido lejano de tus pasos me dice que existe tú, que eres tú recorriendo tantos otros ríos, ríos que yo ignoro,
esos que tal vez no atravesaré jamás. No digo no, son las dudas y le esencia de las dudas, son también las noches que me envuelven, es el áspero polvo que me encierra. Es el tiempo que tercamente nos separa.
X - Elle, la mort
A chaque fois que la nuit tombe,
je voudrais savoir où tu t'en es allée. Dans tes yeux, je veux me rappeler le nom des fleuves qui doivent apporter ta barque. La nuit ne m'étonnera pas, pas plus la distance qui révélera ceux qui t'auront vu passer. Avec
terreur je vois que tu n'es plus là, que peut-être tu n'as jamais été là, que tu es seulement le profil déformé de moi-même. Le bruit lointain de tes pas me dit seulement que tu existes, toi, que tu parcours
tant d'autres fleuves, des fleuves que j'ignore, ceux que peut-être je ne traverserai jamais. Je ne dis pas non, ce sont les doutes et l'essence des doutes, ce sont aussi les nuits qui m'enveloppent, c'est l'âpre poussière qui m'enferme.
C'est le temps qui obstinément nous sépare.
Porfirio Macedo, extraits de El poeta y la soledad (Le poète et la solitude)
Traduction française de Max Alhau (version bilingue)
Copyright : Editions Alcyone
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(taper
: Porfirio Mamani Macedo).
El poeta y la soledad (le
poète et la solitude), Porfirio Mamani Macedo
Poèmes en espagnol (Pérou) dans la traduction française de Max Alhau (version bilingue)
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