Petits moments de légère gravité, Eve Lerner
Editions Alcyone, Collection Surya
ISBN : 978-2-37405-029-4
Les textes sont accompagnés de la reproduction d'une
estampe de Marie-Hélène Durand-Laudet
Linguiste de formation, poète, traductrice
de poésie, animatrice d’ateliers d’écriture, Eve Lerner a écrit une quarantaine de recueils de poèmes.
Parmi les recueils les plus récents, on peut citer : Le Livre des chimères,
Pour danser un rêve, Graine à feu, Faites battre vos candeurs (prose poétique). Six livres d’artiste avec Marie-France Missir, Le Calligraphe, Un Délicat parfum de renouveau, Envols, Pour qui sait voir, Afin d’éclore
et Lumières. Un seul récit : L’Ame chevillée au corps.
Eve Lerner travaille avec des musiciens (Sylvie Bougoin, violoncelliste, Mariannig Larc’hanteg, harpiste, le groupe NEEJ, La Compagnie Caméléon)
et des plasticiens, principalement, Chantal Gouesbet et Francis Rollet.
Elle vit et travaille à Lorient.
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Textes
A la pointe
une jetée de bois incroyablement ancien
tremble sous le soleil sec
Une forte bouffée d’oursins
la crainte de ne pas savoir refuser
l’invitation du silence
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Vents, éclairs fouet de la pluie
trois expositions
un rivage aveugle se retournent
comme un éventail japonais
et d’un seul coup
le plafond est cousu d’âmes.
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Montauk,
De Kooning
J’ai franchi l’arche d’argile
j’ai délaissé l’herbe verte
alors j’ai vu que le blanc des flots
n’avait aucune chance
devant le flux de sang du littoral.
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Nous avons réveillé quelques fantômes
et ceux qui n’avaient pas de carapace
ont pleuré sans raison.
Les mères enfilaient des perles de deuil
comme une étoffe qui meurt
j’ai perdu mes griffes et mes ailes.
Maintenant les mots s’échappent
par les mailles des filets
les filets se prennent dans les hélices
les oiseaux de mer se prennent dans les filets.
**
Elle devait traverser le fleuve
et le passeur était absent
elle a dû inventer des rivières
changer le cours des marées
arpenter les crêtes
chercher des poissons au désert
trouver de quoi nourrir l’esprit
remuer ciel et terre
pour culminer avec les tambours d’Afrique
**
Que je perce à jour
la trame de cette vie
les jours aux doigts fragiles
Que je traverse les mots
pour retrouver la mer
et son flanc bleui par l’histoire
Eve Lerner, extraits de Petits moments de légère gravité
© Editions Alcyone
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Petits moments de légère gravité").
Note de lecture de Jacqueline Saint-Jean sur Petits moments de légère gravité (parue dans la revue Spered Gouez N°24) :
Eve Lerner révèle ici une autre face de son ample éventail d’écriture : poèmes brefs et denses, tour à tour sensuels, rêveurs, mystérieux, méditatifs. En trois suites, elle saisit des instants essentiels, des éclats de vie, où l’être brûle, s’unit au monde, s’interroge, se cherche à travers les forces contraires qui nous travaillent : l’envol et le poids du monde, les désirs et les blessures, l’éclair et l’éclipse.
Dans le premier ensemble, « Les chiens courent », les mots souvent s’animent d’une ardeur fusionnelle, accordée à l’univers. Des images fabuleuses inversent le haut et le bas, le proche et le lointain, le dedans et le dehors. Caisse de résonances, le corps est traversé de lumière, de vent et de nuit. De cris, de visions d’un monde cruel où surgit « le flux de sang du littoral ». Tourmenté de questions, de lutte intérieure contre « l’esclave interdite » qui nous habite, freine ce désir de libération qui l’emporte enfin : « j’ai choisi la révolte » et qui interpelle : « fais de ton deuil / une planche de salut ». Liberté qui s’incarne au final par cette plongée salvatrice dans l’Océan.
« Instantanés », en textes encore plus brefs, souvent de trois ou quatre vers, parfois proches du haikai, opère des cadrages émus dans l’espace et le temps, petite lucarne, jardin, chemin, ciel, ou moment de l’histoire. Des collages de lieux et de temps, de visible et d’invisible, amplifient ici l’éphémère. On garde en soi « les nuits sacrées passées dehors », « les yeux ourlés de rêves / la terre est un pain qui lève ». Ces instants où d’un vers à l’autre, la vie et la mort se côtoient : l’été des « fières porteuses de seins » et « au bout du paysage / la dévastatation des têtes coupées ». Cette bifurcation fatale « où nous avons perdu de vue l’essentiel » et « très tôt après/ perdu pied ». Et « l’angoisse de ne plus se reconnaître ».
La troisième suite, dont le titre est celui du livre, ouvre en chaque poème une brève fenêtre réflexive sur l’expérience humaine. S’y entrelacent, entrechoquent parfois, le dehors et le dedans. Malgré les forces de destruction, « les abatteurs d’espoir », et « l’immense fatigue », un courant de jouvence vivace s’obstine, aspire à renaitre « jeune intemporelle, et lavée « , assoiffée de fraternité, ferveur, « ravissement ». La pensée lucide constate l’abandon actuel du levain poétique, refuse « l’esprit de domination », veut déchiffrer, « mener l’enquête sur ce qui empêche de penser », d’aimer, enfin de « plonger dans l’ultime réel ».
Jacqueline Saint-Jean
Petits moments de légère gravité, Eve Lerner
Prix global en euros : 16,00€ (+ forfait port et emballage : 4,00€)