JEUNESSE DE L'INSTANT
de Georges Rose
Editions Alcyone (Collection Surya)
Né à Paris où il réside,
Georges Rose est docteur en ethnologie. L’écriture a pris assez tôt chez lui une place décisive, malgré un certain retrait par rapport au champ littéraire. À côté de la poésie, toujours présente,
récits, théâtre, spectacles et présentations diverses accompagnent ce parcours, avec une trentaine d’ouvrages publiés (dont plusieurs ont été primés et deux traduits, respectivement en américain
et en grec) et, par ailleurs, une centaine d’interventions dans plus de trente revues.
Je suis, malgré moi, une certaine démarche,
avec ses à-coups, ses détours, sans me repérer spécialement par rapport aux autres, mais plutôt sur l’ordre d’une sorte de nécessité intérieure qui, pour l’essentiel, m’échappe.
La poésie n’a pas d’autre existence qu’elle-même, pas de raisons, à l’extérieur. Et si elle en a, ce sont probablement de mauvaises (...). Je retiens parfois cette formule : la poésie est infinitive.
Elle n’est pas conjuguée aux personnes et ne saurait se réduire à cette dimension singulière. En poésie, le sujet, s’il existe, c’est la vérité, autrement dit la beauté. La beauté
est le miroir de la vérité, disait Simone Weil. G.R.
TEXTES
Matin
une pente de
vent
La terre s’ébruite
s’ajoute à
la lumière
Dans la rue les visages
au fond les montagnes
dont les jambes s’écartent en rêvant
Les arbres ont déjà
fait le tour du monde
ils n’ont plus besoin de courir
La
mer est ce gris là-bas
qui devance le paysage
**
Le silence n’a pas de pierres
ces statues sont
les nôtres
L’herbe au grand lignage
son murmure
Les oiseaux
leurs ailes détournées des grandes fresques
La rive est une compagne plus habile le soir
nous avons été les derniers
à comprendre
la multitude est une seule chose
**
Dans la nuit
sous la pluie
le chant hésitant des routes
Une goutte
la terre se détache
Dans la brume caressante
le blanc plus vif des pierres
les maisons passent lentement
**
On ne sort pas dans l’avenir
les
limites sont déjà écarlates
L’atrocité du grand ciel
devient une peinture
La beauté nous réfléchit
qui installe ses miroirs
Nous allons entre nous
mais la forêt est plus précise
**
Parmi
nous
l’aventure d’une fleur
et inversement
On ne sait plus
où sont les racines
ni les oiseaux ou les morts
Le monde est tombé de la fenêtre
se relève
s’en va seul
**
Les grands pins gris
déchaussés devant la lumière
toutes les têtes relevées
Si dense le flanc du ciel
longuement repassé
à ces jours bleus
La mer arrive
qui s’avance
jupes relevées
**
La brume si lente
agenouillée dans le bois
Les arbres voyagent avec la pluie
portant le lourd bagage de la ville
Un lac sans histoire
les longues mimiques de la lumière
Le silence n’est pas si violent
que cette hirondelle
seule avec le ciel
**
La nuit la ville se détache
va tous ses navires allumés
Sur la grande neige
mer solitaire
Le
froid regarde partout
le silence visible est un parfum blanc
L’univers
se dissipe de nous
en fait la peur était l’un des jardins
Georges Rose
extrait de Jeunesse de l’instant
© Editions Alcyone.
- Vous pourrez dès la rentrée écouter des extraits de
JEUNESSE DE L'INSTANT
dits par Silvaine Arabo (fichier MP3 en bas de page).
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