UN PAYS SANS VISAGE, DANIELLE QUEROL
EDITIONS ALCYONE
Née aux portes du Lot, Danielle Querol-Bonhomme est venue vivre dans les Pyrénées dès l'obtention de son poste de bibliothécaire à Bagnères-de-Bigorre. Son métier lui a donné la possibilité de travailler aux rencontres entre lecteurs, écrivains, artistes et militants de la poésie, ce qui a nourri son écriture personnelle et enrichi son imaginaire.
Passionnée de lecture à voix haute, elle a co-animé, pendant quatre ans, des lectures de poésie contemporaine dans des lieux divers, tels des cafés, pour des publics variés. Elle co-anime actuellement un atelier d'écriture poétique.
Elle a été publiée par Rivaginaires, Encres Vives, dans des recueils collectifs ainsi que sur une plateforme numérique de littérature courte.
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Guetter les signes dans l'au-delà des mots.
Où chercher derrière ce Pays sans visage ?
Que disent les chemins, les silences, et, partout, dans les yeux des nuages, les mots qui sont tus ?
Quel geste premier ensemencera la nuit et portera l'odeur du temps dans l'espace des mots ?
Chacun s'enfuit avec son ombre
de montagne en ruisseau
de plaine en désordre
dévorant la nuit de place en place
jusqu'à l'heure des oiseaux
TEXTES
Il vient d’un pays sans visage
N’attendez rien de lui
les rêves l’emportent haut
Il ne sait plus descendre.
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Ce qui reste de bruit
en ce lieu d'ombre d'où tu reviens
ce parc étrange
les yeux grisonnent
la carte du monde se déchire
C'est un midi à fendre l'âme
tu cherches pourtant une écriture au chant de source
des raffinements de miroirs
une fougère
un goût d'hiver et de sel sur ta bouche
une question arrachée au silence
Était-ce toi, le Marcheur?
entre les bras de la jeunesse et ce peu de lumière comme du sang
... une nuit où l'on rêve les yeux ouverts
dans un pays profond qu'on regarde paupières closes
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Ne t'arrête pas en chemin
tu n'es rien d'autre que ce que tu cherches
à l'est du soleil
les mots n'ont pas les mains liées
un clou fiché dans l’œil
ce ne sont rien que mots parmi les mots
toi qui cherches en vain l'issue
hors de ton cimetière d'images
Ce qui reste du bruit
après la lente déchirure des papiers et des arbres
cet automne grandissant au cœur d'un mai pluvieux
ce vertige d'un nocturne
ce qui reste de bruit
dans l'oreille du vent
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Creuser dans l’humain
à la recherche de vos yeux de givre
au-delà de leur âme
unique et mystérieuse
ici-même, au centre
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Il n’y a plus de pays sages
ils ont verrouillé l’infini
et nos yeux indociles s’étonnent
du moutonnement incessant de l’horreur
le chant en appelle à l’aurore
aux parfums du printemps
aux regrets
tu écris sans savoir
tu cours dans le paysage
tu caresses le houppier rond
et les jeunes ramures
ce mélange feutré de gris et de violet
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Tu cherches le silence, le sens, le son subtil
qui entaille la chair
tu cherches le pays perdu où l’obstination se fane
blanche et droite
comme un vertige
Chaque jour tu cherches tu respires
et tu guettes
tu dissèques les yeux des nuages
les vibrations des visages
le regret lancinant des rêves
Au-dedans
il y a ce brasier d’étoiles
ces appels, ces chaos, ces dérives
et les parcelles de langue à ouvrir
comme fruits
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Se creusent en nous
l’effroyable et l’absence
Le sel des vivants
et le geste premier
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Chacun s’enfuit avec son ombre
de montagne en ruisseau
de plaine en désordre
Dévorant la nuit de place en place
jusqu’à l’heure des oiseaux
Extraits de Un pays sans visage de Danielle Querol
©️ Editions Alcyone
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UN PAYS SANS VISAGE, DANIELLE QUEROL
EDITIONS ALCYONE
14,00€ (+ port 04,00€)
Danielle Querol, Un pays sans visage, éditions Alcyone, 2022, par Jacqueline Saint-Jean.
Le titre réveille ces «saisons masquées» éteignant les visages, où les liens se perdent, où le sens se cherche. Plus encore, ce monde où déferle «le moutonnement incessant de l’horreur». C’est aussi un pays sans personne, celui de la solitude et de l’oubli, «dans l’inquiétant silence qui s’abat sur nos portes».
Plus secret, le pays intérieur, vécu, perdu, rêvé, revécu, «un pays profond qu’on regarde paupières closes», habite intensément l’écriture. Nous plonge dans un monde végétal de houppiers, ramures, fougère, jardin, nous donne à voir, à sentir, les courbes des collines, une fraicheur de source et de ruisseaux, baignée de bruissements et parfums. Nourrie d’imaginaire, une enfance où la dame blanche erre aux couloirs d’un château. de légende. Mais au pays de la page, le dehors et le dedans coexistent, «ici même au centre».
Celle qui écrit est habitée de voix et de présences. Un poème chante le chœur des voix. Le Je se fait multiple. L’éventail des pronoms accueille, anonymes, les êtres absents, aimés, disparus, exilés, «celui qui appelait en vain», celui qui rayonnait: «ce qui brasillait en nous /jetait des lumières de / vitrail aux quatre coins du monde».
Le poème relie présent, passé et futur: «J’écouterai trembler vos pas / dans la mémoire des temps à venir». Il s’interroge sur la mémoire et l’oubli.
A travers le Temps, «au creux de la poitrine la mort traversée», un élan porte le livre, «Va», «Ne t’arrête pas», un chemin se trace, bleu en final: écrire pour «creuser l’humain…guetter les signes dans l’au-delà des mots».
A la fois nocturne et lumineuse, l’écriture est ce fil tendu qui vibre, entre blessure et douceur, fièvre et apaisement, désillusion et désir. Discrète, elle garde sa part de mystère. En ce beau livre, elle aspire au jour où«ce frais soleil de la parole aura raison de nos saisons de pierre».
Jacqueline Saint-Jean