Danielle Querol

UN PAYS SANS VISAGE, DANIELLE QUEROL

EDITIONS ALCYONE

 Née aux portes du Lot, Danielle Querol-Bonhomme est venue vivre dans les Pyrénées dès l'obtention de son poste de bibliothécaire à Bagnères-de-Bigorre. Son métier lui a donné la possibilité de travailler aux rencontres entre lecteurs, écrivains, artistes et militants de la poésie, ce qui a nourri son écriture personnelle et enrichi son imaginaire.

Passionnée de lecture à voix haute, elle a co-animé, pendant quatre ans, des lectures de poésie contemporaine dans des lieux divers, tels des cafés, pour des publics variés. Elle co-anime actuellement un atelier d'écriture poétique.

Elle a été publiée par Rivaginaires, Encres Vives, dans des recueils collectifs ainsi que sur une plateforme numérique de littérature courte.

 **

Guetter les signes dans l'au-delà des mots.

Où chercher derrière ce Pays sans visage ?

Que disent les chemins, les silences, et, partout, dans les yeux des nuages, les mots qui sont tus ?

Quel geste premier ensemencera la nuit et portera l'odeur du temps dans l'espace des mots ?

Chacun s'enfuit avec son ombre

de montagne en ruisseau

de plaine en désordre

dévorant la nuit de place en place

jusqu'à l'heure des oiseaux

TEXTES

Il vient d’un pays sans visage

N’attendez rien de lui

les rêves l’emportent haut

Il ne sait plus descendre.

**

Ce qui reste de bruit

 en ce lieu d'ombre d'où tu reviens

ce parc étrange

les yeux grisonnent

la carte du monde se déchire

C'est un midi à fendre l'âme

tu cherches pourtant une écriture au chant de source

des raffinements de miroirs

une fougère

un goût d'hiver et de sel sur ta bouche

une question arrachée au silence

Était-ce toi, le Marcheur?

entre les bras de la jeunesse et ce peu de lumière comme du sang

... une nuit où l'on rêve les yeux ouverts

dans un pays profond qu'on regarde paupières closes

 **

Ne t'arrête pas en chemin

tu n'es rien d'autre que ce que tu cherches       

 à l'est du soleil

les mots n'ont pas les mains liées

un clou fiché dans l’œil

ce ne sont rien que mots parmi les mots

toi qui cherches en vain l'issue

hors de ton cimetière d'images

Ce qui reste du bruit

après la lente déchirure des papiers et des arbres

cet automne grandissant au cœur d'un mai pluvieux

ce vertige d'un nocturne 

ce qui reste de bruit 

dans l'oreille du vent

 **

Creuser dans l’humain

à la recherche de vos yeux de givre

 au-delà de leur âme 

 unique et mystérieuse

  ici-même, au centre

**

Il n’y a plus de pays sages

ils ont verrouillé l’infini

et nos yeux indociles s’étonnent

du moutonnement incessant de l’horreur

le chant en appelle à l’aurore

aux parfums du printemps

aux regrets

tu écris sans savoir

tu cours dans le paysage

tu caresses le houppier rond

et les jeunes ramures

ce mélange feutré de gris et de violet

**

Tu cherches le silence, le sens, le son subtil 

qui entaille la chair

tu cherches le pays perdu où l’obstination se fane

blanche et droite

comme un vertige

Chaque jour tu cherches tu respires

et tu guettes

tu dissèques les yeux des nuages

les vibrations des visages

le regret lancinant des rêves

Au-dedans

il y a ce brasier d’étoiles

ces appels, ces chaos, ces dérives 

et les parcelles de langue à ouvrir

comme fruits

**

Se creusent en nous

l’effroyable et l’absence

Le sel des vivants

et le geste premier

**

Chacun s’enfuit avec son ombre

de montagne en ruisseau

de plaine en désordre

Dévorant la nuit de place en place

jusqu’à l’heure des oiseaux

Extraits de Un pays sans visage de Danielle Querol

©️ Editions Alcyone

Comment se procurer cet ouvrage ?

- Envoyez-nous un mél. à     editionsalcyone@yahoo.fr

Nous vous enverrons alors un Bon de commande (formule la plus simple

et la plus rapide).

- Vous pouvez aussi vous procurer ce livre en librairie ou sur Amazon.

UN PAYS SANS VISAGE, DANIELLE QUEROL

EDITIONS ALCYONE

14,00€ (+ port 04,00€)

Partagez cette page

Danielle Querol, Un pays sans visage, éditions Alcyone, 2022, par Jacqueline Saint-Jean.


Le titre réveille ces «saisons masquées» éteignant les visages, où les liens se perdent, où le sens se cherche. Plus encore, ce monde où déferle «le moutonnement incessant de l’horreur». C’est aussi un pays sans personne, celui de la solitude et de l’oubli, «dans l’inquiétant silence qui s’abat sur nos portes».
Plus secret, le pays intérieur, vécu, perdu, rêvé, revécu, «un pays profond qu’on regarde paupières closes», habite intensément l’écriture. Nous plonge dans un monde végétal de houppiers, ramures, fougère, jardin, nous donne à voir, à sentir, les courbes des collines, une fraicheur de source et de ruisseaux, baignée de bruissements et parfums. Nourrie d’imaginaire, une enfance où la dame blanche erre aux couloirs d’un château. de légende. Mais au pays de la page, le dehors et le dedans coexistent, «ici même au centre».
Celle qui écrit est habitée de voix et de présences. Un poème chante le chœur des voix. Le Je se fait multiple. L’éventail des pronoms accueille, anonymes, les êtres absents, aimés, disparus, exilés, «celui qui appelait en vain», celui qui rayonnait: «ce qui brasillait en nous /jetait des lumières de / vitrail aux quatre coins du monde».
Le poème relie présent, passé et futur: «J’écouterai trembler vos pas / dans la mémoire des temps à venir». Il s’interroge sur la mémoire et l’oubli.
A travers le Temps, «au creux de la poitrine la mort traversée», un élan porte le livre, «Va», «Ne t’arrête pas», un chemin se trace, bleu en final: écrire pour «creuser l’humain…guetter les signes dans l’au-delà des mots».
A la fois nocturne et lumineuse, l’écriture est ce fil tendu qui vibre, entre blessure et douceur, fièvre et apaisement, désillusion et désir. Discrète, elle garde sa part de mystère. En ce beau livre, elle aspire au jour où«ce frais soleil de la parole aura raison de nos saisons de pierre».


Jacqueline Saint-Jean