Marcel Migozzi

Ruralités, Marcel Migozzi

collection Surya

978-2-37405-001-0

Marcel Migozzi est né en 1936 à Toulon dans une famille ouvrière d’origine Corse. Il vit depuis 1956 au Cannet des Maures (Var).
Lauréat du Prix Jean-Malrieu en 1985, du Prix Antonin-Artaud en 1995, du Prix des Charmettes/Jean-Jacques Rousseau en 2007, il a publié de nombreux ouvrages de poésie chez différents éditeurs - en France et à l’étranger -, collaboré à plusieurs revues, ouvrages collectifs, anthologies et livres d’artistes.
Il aime une poésie lisible, incarnée, en souci du monde quotidien.

N.B. Vous pouvez écouter des poèmes de Marcel MIgozzi en cliquant sur la flèche du fichier MP3 en bas de page.

Ci-dessous, quelques extraits du recueil Ruralités :


Dernier salut au rouge-gorge



Le jardin où bleuit la nuit
Sent les tomates à l’invisible
Chair     si proche



Jardin     bonheur au confluent     destin



     **  

        
Dans le cyprès aucun oiseau

Dans son noir feuilleté
On y pourrait écrire    nuit
Dévouement des étoiles

La lampe sous le porche creuse
La grotte pour le dernier corps visible
De l’oracle sidéré

Qui laisse à la rose trémière
Le parfum du silence

 

**



Novembre en pots    ne reste pas
Planté devant les chrysanthèmes morts

Pour qui ?

Novembre au sang    et le cœur gros    c’est déjà   
plein                
Pas de place pour le dernier vivant       

Déjà ?



**


Sans doute une émotion perdue
Sous la cendre et la cire
Du Sacré-Cœur d’enfance

C’est tout de suite après des ronces
L’automne passe dans des ruines
Lumière dans les bas-côtés

L’enfant y demande à son cœur
Pourquoi il a déjà vieilli
Marcel Migozzi, extraits de Ruralités.

Copyright : Editions Alcyone. Reproduction interdite sur tous supports.

 

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Note de lecture de Michel Host sur Ruralités de Marcel Migozzi :

Ruralités libère les poèmes brefs, coups d’œil attentifs arrêtés sur les objets de la nature au sens le plus quotidien qui se puisse imaginer. Ce n’est pas reposant pour autant, car le fauteuil, au jardin, tourne lui aussi dans le cosmos.
Regard à distance, d’abord : les labours, les mottes, les corneilles « Avec un ciel pervenche / En miettes. » Entrée en matière dans le registre du constat, soit d’une supposée acceptance des faits, des choses, à la façon de Lucrèce ! Cela se met en mouvement : « Une étable puis l’abreuvoir / L’allégé bleu  // Puis le soudain / Espace   la  /  Montagne danse. » La tranquillité de l’inéluctable comme dans une peinture de Corot : « Le soir viendra / À vaches lentes. » De natura rerum.
Est-ce un monde nié par la réalité mondialisante en marche  ̶   soit la F.N.S.E.A. et les « grands groupes », comme ils disent ? De ce monde qui s’enfonce, celui de nos enfances et pour quelques années encore de notre bel âge, Marcel Migozzi retient les beautés, les coloris patinés, visibles entre les branches du jardin qui semble d’abord, chez lui, ne devoir pas mourir. Un témoignage pour l’après et le maintenant, un témoignage maintenu ?
«  Passons //  L’olivier a offert du vert / À ses rejets    une mésange  / De l’écume  /  À ses dessous ». Cette délicatesse printanière émeut et touche l’âme. J’y songe (qu’on me pardonne de songer au même pas que M. Migozzi), dans mon jardin, cet été, les mésanges ne sont pas venues ? Toujours je m’inquiète. Où ont - elles passé l’été ? Dois-je me fier à l’intuition du poète : « Vers la beauté déjà / Poussière / Le papillon se hâte   va... » Il prend note, lui aussi. Comment ne pas voir ce qu’on ne voit pas :  « Dans le cyprès aucun oiseau. » ?
La giration du monde est ininterrompue : « Yeux de sommeil   on perd conscience /  Chat-chaise de jardin-olivier-ciel   mélange »... Qui penserait à l’interrompre ? Qui le voudrait ?  MM. Galilée, Newton, Copernic, Einstein & Cie se sont penchés sur le problème. Même constat. C’est impossible. Soyons obstinément patients : « En vieillissant   il faut / Recommencer l’appel des présences discrètes ». C’est là toute l’entreprise de Marcel Migozzi. Et puis quoi... Sous le prunier mort « Ce poème n’est pas en bois / Et change lui aussi /// Mais quoi ».
Prise en considération de cette évolution, il faut aller vers l’ailleurs, vers la suite, les mois «  en bre... l’automne » par exemple, vers l’ «adieu » de ses feuilles ratissées, revenir à L’invisible passé des morts ? » « Entre passé et non passé. » L’interrogation dit la difficulté. Il semble bien que le poète se faufile dans les interstices du temps et qu’il n’y aura sans doute « Pas de place pour le dernier vivant », ajoutant ce « Déjà ? » qui sonne comme un glas.  
Un apparent détachement semble être l’attitude voulue dans cette excursion aux paysages anciens, déjà. C’est l’empire du Déjà. « L’enfant y demande à son cœur / Pourquoi il a déjà vieilli ». Déjà, déjà...  « Comme le temps passe »  ̶   entend-on sur les places de villes et des villages, dans les escaliers des immeubles... Alors, pour reprendre de ce poil de la bête qui nous meut, nous rend l’énergie, le poète s’adresse à l’enfant  (je pense pouvoir dire « à toute enfance ») lui signalant ce qu’il y a encore à voir et à honorer parmi les beautés du jardin exténué, les oiseaux d’abord, ceux de François d’Assise et du paradis premier   ̶  rouge-gorge, mésange bleue, charbonnière, oui, si familières, si audacieuses !, rossignols, chardonnerets, dont un seul nous interroge encore :  « Qui es-tu ? ».  Les enfants des villes ont parfois la chance de les (re)connaître  car des pédagogues de bonne volonté les entraînent dans les bois, les parcs, pour les y rencontrer. Puis viennent les fleurs, « l’écume / éclaboussée d’abeilles », neige sur l’amandier, « la fleur (ou la chair) est si nue /  qu’elle n’a rien sous elles / à elle », les fleurs qui finiront par se faner, réduites à ce « ... pétale isolé / délà marbre // déjà ».
L’hiver peut-il contrevenir à la loi ? On le croirait, on le désirerait : «  neige   fille / de nuque pure   ou de /// poitrine   nue / laiteuse  ///  neige   mère / désirable ».  Nostalgie des désirs et des anciennes amours, à quoi répondent d’autres souvenirs, atroces, qui rendent inutile (selon moi) le sursaut : «neige   l’étoile / au revers   jaune /// là-bas   les corps / brûlés   du siècle /// neige restante / à la mémoire  /  il neige   encore ».  C’est comme le coup de grâce. Ces belles et dures Ruralités ne s’achèvent pas en apothéose, ni en célébration, ni même en tristesses avouées. Les faits sont là. Ils s’enfoncent, nous enfoncent. Regardons la vérité en face. La mort est grimaçante dans ses instrumentalisations les plus répugnantes : le poème du temps humain reste tragique. Tirez-en vos leçons, car je n’en ai pas à vous donner affirme le poète dans un constant et vigoureux implicite. Cela étreint, est superbe.   ̶   Michel Host


 Ruralités de Marcel Migozzi

Prix France en euros : 16,00€ (+ port/emballage 4,00€)

Poèmes de Marcel Migozzi dits par Silvaine Arabo

Marcel Migozzi

Marcel Migozzi

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