CES BRAISES QUI NOUS PORTENT

Pierre de La Fontaine, 2023

© Editions Alcyone

Avec quatre encres de Pierrette Gaitet.


Passionné d’écriture et de musique, Pierre de La Fontaine a collaboré avec des photographes. Ensemble, ils ont réalisé des expositions qui mettent en résonance leurs photographies et ses textes poétiques.
Avec «Parenthèses», il a réalisé trois albums de chansons dont il a écrit textes et musiques et assuré l’accompagnement au piano.
«Ces braises qui nous portent» est son deuxième livre de poésie après «Dès lors l’immobile».


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Écrire me conduit sur un chemin aux confins de l’éphémère. A l’affût de la rumeur des jours, je recueille ce que me confient l’écume d’un sourire, le bleuté des larmes, le regard qui luit dans la grisaille, la danse d’une silhouette dans le paysage lumineux...
C’est peut-être pour effacer la résinedu Temps, retenir un peu ce que l’on abandonne dans la traversée des jours, abolir le vertige des heures vides, s’approcher de la Beauté.
Mes poèmes vagabondent où la vie foisonne.

Résolu à sauver de l’oubli ce qui émane de la quotidienneté, à raviver les braises.
Loin de la cacophonie du monde. P. L. F.


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TEXTES


D’OCRE


D’ocre est ma lettre ; elle prend sa source dans la douceur d’octobre, dans cette légère brise qui sculpte les songes et accompagne l’aube nacrée. Elle est parole sauvage. Cette lettre est résistance aux heures ternes. Elle ne veut rien effacer, l’effacement est une imposture; je la garde près de moi, la serre dans mes doigts; je l’écris pour laisser trace. Trace des visages rieurs et des larmes de chair; trace de l’improbable sérénité; trace de braises toujours vives, de clarté timide. Trace d’une voix frêle perdue dans la cacophonie d’un monde que l’on n’a pas voulu. Un monde sourd, aveugle, en déroute. Elle est née d’un silence qui se bat pour affirmer sa place, qui se terre dans un abri précaire.
Réfractaire à l’artificialité de nos joutes quotidiennes, elle a le visage d’un ciel indocile; un ciel d’ocre.


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L’errance, temps des hésitations. On croise un visage inondé de lumière; on voudrait des mots qui disent; ils ne viennent pas; on les cherche, on sait qu’ils ne sont pas très loin. Mais les mots nous trahissent parfois, ils ne sont pas toujours au rendez-vous. Alors, on passe son chemin; les choses ont l’air de fuir autour de soi; on voudrait les prendre dans le creux de la main. Mais on sent comme une impossibilité à retenir la lumière sur ce visage, cette traversée dans la fraîcheur de l’automne; alors on se résout à cette absence de visage, à ce sentiment de vide.
On s’arrête, on ferme alors les yeux; les mots arrivent en nous mais le visage n’est plus là; mots orphelinsque personne n’entendra. On les chuchote et le vent les disperse sur le sentier humide; un jour, une main les recueillera avec délicatesse; nous ne saurons pas qu’un visage éperdu nous appelle; nous ne connaîtrons sans doute jamais ce visage fébrile qui héberge ces mots, qui les protège de l’oubli.


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LA VIE COURANTE


C’est un soir sans faux-semblants, un soir nomade où l’on effleure l’ineffable. Des paroles flottent dans l’air. On cherche son chemin. Les craintes se délitent. A l’orée des déchirures, un feu veille.
Mais on ne le voit pas.
Pas tout de suite.
On regarde autour de soi. Il n’y a personne. Pourtant, quelque chose d’étrange perce; qui relève de l’absence, de la mémoire vive, de l’enfance envolée, de la renaissance, de l’adieu peut-être. Quelque chose qui se devine dans l’air tiède. On sent la profondeur de l’instant nu, une douce tristesse qui se dépose sur les ailes du soir. On attend l’appel de l’aurore, qu’elle prenne la main, qu’elle délivre de l’enclos de la nuit, qu’elle conduise où la vie serpente.
Les certitudes se lézardent. Et défilent alors les jours de notre vie. Tous les jours, les jours de marbre froid et les jours d’habits de fêtes. La vie courante avec ses heurts, ses rendez-vous manqués, ses défaites et ses vertiges, ses bruissements inattendus. La vie qui s’embrase, dérive, déstabilise, la vie mouvante, imprédictible, éclair d’or dans une nuit d’été, ombre fragile qui s’allonge, porte ouverte sur l’impromptu, gracile écuyère qui défie l’ennui, insaisissable diablesse qui s’éloigne et revient. Qui ne trouve sens que dans cet «être-là», cette confrontation au tumulte du monde, à l’inachèvement des rêves, à ce qui peuple l’étrangeté de nos jours; la fatigue qui dépose son voile et clôt les visages, l’étoffe étincelante dont se vêt le creuset du jour, l’élégance des gestes qui balisent la cadence du temps, les larmes qui cèdent quand accoste une jubilation soudaine à l’heure du crépuscule.
Une traversée aventureuse dans la densité d’une vie indomptable, aux rivages incertains. Une vie qui échappe quelque peu. Dont on voudrait pouvoir retenir la folle chevauchée. Qui paraît si frêle, une compagne lointaine et familière, dont on étreint les mains tremblantes et fiévreuses mais que l’on laisse parfois se fondre dans la monotonie rampante, se perdre sous la robe des regrets, le renoncement qui dépouille, la distance qui délie.
On ne répare pas les jours éteints. On ne perd jamais tout à fait les jours lumineux. On garde dans une boîte des petits riens qui sont le cœur même de notre histoire. Un jour, on soulève le couvercle. Des volutes de fumée bleue s’échappent et déposent des images sur l’ordinaire environnant. Un enfant rit en grimpant sur un arbre. Une femme l’appelle, le raisonne, exige, mais il ne répond pas et monte encore plus haut. L’indocilité a gagné. La danse folle de l’insouciance peut commencer.
Le rideau peut s’ouvrir.
Alors, se taire.
Écouter, regarder.
Ce qui émane des voix tues, de la poussière de l’indicible. Ce qui se terre dans la limaille de l’apparente immobilité.
Faire un pas de côté. S’éloigner des oripeaux du présent. Se délivrer des fantômes qui freinent l’immersion dans le manteau scintillant de la vie pleine. Attendre que le voile se lève.
Emprunter un chemin labyrinthe, à la lisière de la solitude qui s’invite.
On s’abreuve de cet instant, on veut le sauver de l’oubli, le rendre éternel, même si on sait la tâche illusoire.
Un instant où tout s’achève, mais rien ne meurt.
Un instant de réconciliation avec une quotidienneté insouciante, une histoire que l’on croyait lettre morte.
Un instant d’insoumission à ce qui freine l’emballement du manège, à ce qui tue ce jeu d’ivresse, installe des déserts fades, rend la vie exsangue, met la fougue en deuil.

Escale sur les crêtes de l’espoir qui mouille l’ancre sur les prémices d’un jour pétulant.


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ELLE QUI


Elle qui marche sur des feuilles d’or, silencieuse, vers des rives lointaines.
Elle, hésitante, abandonnée aux frimas de novembre, blessée peut-être.
Elle, en recherche; vouée à l’errance.

Elle, paupières scintillantes, peau marbrée; ivresse de la fuite, vertige crépusculaire.
Gracile silhouette dans le soyeux du soir, le pas léger, elle qui porte lumière, porte parole, peint un jardin secret.

Elle qui fredonne une chanson d’automne, presse le pas, défie la poussière du temps, vibre et tremble.

Elle, cheveux au vent, qui dit le soir ardent, la fébrilité des arbres, la respiration du ciel.

Elle, qui laisse s’échapper des larmes nacrées, et serre dans ses mains des mots orphelins.


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CE QUE L’ON ABANDONNE


Pluie douce
qui effleure le visage des futaies
Le soir rassemble les hirondelles
Un regard luit dans la grisaille
Murmures d’un soir d’octobre
qui accompagne les pas
veille sur les larmes
retient les silences
délivre des pesanteurs
épure les heures

Extraits de Ces braises qui nous portent

©️ Editions Alcyone


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CES BRAISES QUI NOUS PORTENT

PIERRE DE LA FONTAINE

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